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des submersions en construisant, de distance en distance, autour de leur masure et de leurs champs, quelques-unes de ces digues en fascines et clayonnages que les Hollandais ont depuis perfectionnées d’une manière si remarquable. Quelque rudimentaires que fussent ces premiers endiguemens, ils ont puissamment contribué à favoriser le travail naturel du colmatage ; et les petits plateaux à peine émergés au-dessus de l’eau et qu’on désigne sous le nom de « terpens » ont été en quelque sorte les socles sur lesquels ont été établies la plupart des villes de la région inondée, — Bergues, Watten, Saint-Omer[1].

En somme, tout le pays des wateringues n’est qu’un ancien bras de mer, qui s’est transformé graduellement en lagune vive, puis en lagune morte, et qui s’est définitivement colmaté par l’action combinée de l’homme et de la nature. Le golfe des temps anciens est devenu un immense delta, qui comprend une étendue de 80 000 hectares. C’est très sensiblement la surface de la Camargue aux embouchures du Rhône. L’eau coule aujourd’hui dans le lit régulier et artificiel que les hommes lui ont taillé et se dirige en droite ligne de Saint-Omer à Gravelines. On lui a donné partout une largeur de 20 mètres, une profondeur uniforme de 2 mètres ; il est bordé de chemins de halage empierrés ; il est accessible en tout temps à des « bélandres » pouvant porter 300 tonnes. L’ancien fleuve au cours variable et en partie colmaté est devenu à la fois un canal de navigation et d’assainissement. Mais au XVIIIe siècle encore, avant l’ouverture artificielle du chenal de Gravelines à la mer, son embouchure se trouvait à 5 kilomètres environ à l’Est ; et, pendant toute la période du moyen âge, elle paraît au contraire avoir été à 4 kilomètres à l’Ouest.

A Watten, l’Aa se bifurque. L’émissaire principal continue à couler vers le Nord dans la direction de Gravelines ; sur la rive droite se détache un bras aussi important que le tronc et qui suit une direction parallèle au rivage de la mer, c’est-à-dire du Nord-Ouest au Sud-Est. Ce rameau a été aussi régularisé et est devenu le canal navigable de la Coline ; il passe à Bergues et à Furnes, et communique successivement avec les canaux de Dunkerque et d’Ypres, la rivière de l’Yser et tout le réseau navigable de la Belgique. Un peu plus loin, sur la même rive, nouvelle

  1. Allent, Mémoire sur le régime de la vallée de l’Aa, 1850.