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chevaux ; s’avancer en cérémonie ; avoir ses titres proclamés à sa face par des hérauts, se servir de lumière en plein jour, avoir toutes sortes de musiques ; qu’il lui est aussi permis de se servir d’un large parasol, et de marcher sur des tapis blancs étendus devant ses pas ; enfin qu’il peut faire jouer des marches d’honneur en avant de lui, sous un baldaquin d’apparat.

Ces droits, nous les donnons à Joseph Rabban et à 72 propriétaires juifs, avec le gouvernement de son propre peuple, qui est tenu de lui obéir, à lui et à ses héritiers, aussi longtemps que le soleil luira sur le monde.

Cette charte est donnée en présence des rois de Travancore, Tecenore, Kadramore, Calli Quilon, Krengoot Zamorin, Zamorin Paliathachen et Calistria.

Écrit par le secrétaire Kalambi Kelapour.

Et, comme Parumpadapa, le rajah de Cochin, est mon héritier, son nom n’est pas compris parmi ceux-ci.

Signé : CHERUMPRUMAL RAVI VURMA,

Empereur du Malabar.


Au-dessus de la synagogue, à côté du beffroi lézardé, on me fait monter à une salle haute, qui est dans un état de vétusté et de délabrement inimaginable : parois déjetées et solives informes ; trous dans le plancher, chauves-souris sommeillant au plafond noir. Par les étroites fenêtres, percées comme des meurtrières dans la muraille épaisse, on voit d’un côté la petite ville hollandaise, aujourd’hui passée aux mains d’Israël ; on la voit toute grise, morne et effritée, aux pieds des grands palmiers dominateurs, dont les cimes magnifiques se pressent dans le lointain, reforment tout de suite la forêt, couvrent les horizons de leur immuable verdure. Et, du côté opposé, la vue plonge sur les toits de chaume d’un très vieux temple de Brahma, sur sa coupole de cuivre, large et basse, qui semble s’écraser contre la terre brûlante.

Cette salle haute, cette ruine pleine d’ombre et de toiles d’araignées, c’est l’école des petits « juifs blancs. » Et ils sont là une vingtaine, profitant de la quasi-fraîcheur du matin pour étudier le Lévitique ; sur un tableau noir, un rabbin, qui ressemble au prophète Élie, leur en trace des passages en hébreu, — car ces enfans de l’exil parlent encore la langue des ancêtres, négligée aujourd’hui par leurs frères d’Occident.

Après le quartier des « juifs blancs, » vient celui des « juifs noirs, » rivaux et ennemis des premiers. On m’a averti que je les blesserais beaucoup si, ayant visité les autres, je n’allais pas les