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Il faut bien remarquer qu’il existe deux espèces d'ions. Ceux dont nous venons de parler qui sont fournis par l’électrolyse des molécules, ions moléculaires. Mais il en existe, dans les gaz raréfiés de l’ampoule de Crookes, une seconde espèce, les ions atomiques. Nous verrons tout à l’heure, en effet, que l’on peut considérer l’atome comme une sorte d’édifice complexe, dans lequel des corpuscules positifs ou cathions, véritables fragmens d’atome, sont maintenus en présence d’un noyau négatif ou anion.

En fin de compte, il y a donc lieu de distinguer, comme résultant du démembrement de la matière universelle cinq espèces de corps : les ions d’électrolyse, les ions des gaz raréfiés ou ions atomiques, beaucoup plus petits que les précédens, puis les électrons qui sont les charges électriques en tourbillon de ces ions, considérées à part, et enfin les molécules et les atomes ordinaires. Tels sont les élémens dont disposent les physiciens et les chimistes de notre temps pour lexplication des phénomènes naturels.

Jusqu’à présent, c’est seulement les deux dernières catégories que l’on était habitué à voir figurer dans les spéculations scientifiques. On les considérait comme formant les 75 corps simples et le nombre presque illimité de leurs combinaisons. Mais la question s’est posée, dès le début de savoir si cette apparente diversité est bien réelle et foncière, ou si, au contraire, comme l’ont prétendu quelques chimistes la matière universelle est formée d’une substance unique, diversifiée seulement dans ses formes.

IV

Qu’une analyse plus profonde parviendra ultérieurement à décomposer les prétendus corps simples actuels en corps plus simples, et finalement en une matière primordiale unique et d’une simplicité irréductible, c’est ce qui n’est pas encore démontré. Mais on peut dire que, depuis longtenjps déjà, cette conception « est dans l’air de la science, » selon l’expression de Crookes. On admet comme vraisemblable que les élemens de la matière pondérable sont essentiellement homogènes, et que l’hétérogénéité apparente des radicaux chimiques est le fait de la diversité des arrangemens de particules ultimes d’ailleurs iden-