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réelles et isolables — au moins pendant un instant — de l’atome des philosophes.

Les corps de la nature sont donc divisibles dans le sens où un troupeau de moutons, un tas de pommes ou une troupe de soldats peuvent être eux-mêmes divisés. Chaque élément de l’agglomération en représente une molécule ; c’est le mouton, la pomme, le soldat. Il ne viendrait à l’esprit de personne que la division de ces élémens ne pût être poussée plus loin et qu’un mouton fût insécable. Mais alors l’opération qui le fractionne cesse d’être de même nature que celle qui le séparait de ses congénères : elle est plus brutale : elle ne forme plus de parties identiques au tout. C’est le boucher qui découpe le mouton et en sépare des organes ; c’est le chimiste, de même, qui détruit la structure physique de la molécule et en sépare des atomes destinés à courir à de nouvelles conjonctions.

On s’est représenté de diverses manières les atomes, c’est-à-dire les molécules physiques.

Pour les anciens, les atomes ou molécules ne différaient que par leurs formes : il y en avait de toutes figures, daigus, de hérissés de pointes, de crochus ; on a admis qu’il y en avait de troués, en forme de couronne ou de tore. Aujourd’hui, la chimie, ou plutôt la stéréochimie, imagine des représentations conventionnelles de la figure des molécules, par rapport aux atomes chimiques qui les composent. Et, quant à ces derniers, nous allons voir tout à l’heure, avec Cauchy et J.-J. Thomson, qu’on peut les comparer à des constellations ou à des systèmes solaires.

II

Les molécules et les atomes nous échappent : nos sens ne nous en donnent point la notion. Personne ne les a jamais vus ni touchés. Ils n’ont qu’une existence logique. On les admet comme nécessaires parce qu’il serait encore plus difficile de concevoir la parfaite continuité du monde qui nous entoure. Il ser.iit à peu près impossible de comprendre et d’expliquer, dans cette hypothèse, aucune action, aucun phénomène du monde physique.

Nous venons de dire que personne n’a vu un atome ou une molécule. Mais cela ne préjuge rien contre leur existence, car,