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Au Sud-Est, à 6 kilomètres d’Escalles, exactement à égale distance de Blanc-Nez et de Gris-Nez, le bourg de Wissant, sur le ruisseau d’Herlen, était aussi autrefois un havre assez fréquenté et probablement une sorte d’annexé et de port avancé de Boulogne, Un petit vallon occupe aujourd’hui le creux de l’ancien bassin où venaient mouiller les galères romaines, et de rares barques de pèche peuvent seulement atterrir sur une grève déserte. Quelques monticules de sable, qui entourent le village et dominent le vallon d’Herlen, ont été considérés quelquefois comme des retranchemens romains ; et on les a naturellement baptisés du nom de « Camp de César. » Mais les fouilles qu’on a exécutées à Wissant, il y a une trentaine d’années, n’ont donné aux archéologues aucun résultat bien sérieux, et le petit plateau élevé, en forme d’oppidum, qui a attiré un moment leur attention, semble être le résultat de l’apport du sable des dunes qui n’ont été fixées par des joncs et des « hoyats » que vers le commencement du siècle, il n’y a eu très probablement de camp retranché à Wissant que vers le XIVe ou le XVe siècle, pendant l’occupation du Calaisis par les Anglais.

Ce qu’il y a d’‘intéressant à constater, c’est que le sous-sol de la vallée présente une alternance de couches de sable et de coquillages apportés par le flot. C’est une preuve évidente du comblement de l’ancien estuaire. Il y a à peine un demi-siècle, on a d’ailleurs retrouvé quelques substructions qui paraissent devoir se rapporter à une sorte de quai le long du ruisseau d’Herlen ; et une mauvaise bâtisse à moitié démolie et enfouie dans le sable portait autrefois le nom de « maison du phare. » Ces vestiges, ces traditions locales et l’aspect des lieux concourent à représenter Wissant comme un ancien petit port, qui pouvait avoir hier encore une certaine activité.

Un autre « cran » s’ouvre dans la falaise à 8 kilomètres au Sud du cap Gris-Nez. C’est l’estuaire de la petite rivière du Slack. Sur la rive droite du cours d’eau, adossé contre les dunes, le modeste village d’Ambleteuse n’a plus rien qui rappelle l’ancienne ville florissante maritime et guerrière, plusieurs fois prise par les Normands, où vint débarquer, en 1688, le roi Jacques II d’Angleterre, se rendant à Versailles pour intéresser à sa malheureuse fortune son puissant cousin de France. En souvenir peut-être de cette triste visite, des travaux assez importans furent faits quelque temps après au port d’Ambleteuse ; et ces travaux