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Portel et qui commande l’entrée de Boulogne, jusqu’au modeste havre de Sangatte, presque abandonné aujourd’hui, où les sables et les dunes recommencent à apparaître ainsi que semble l’indiquer son nom — sawl, sable, gate, porte — et s’étendent indéfiniment sur l’interminable littoral flamand et néerlandais baigné par les eaux presque toujours grises et troubles de la mer du Nord.

Le développement de la côte rocheuse, depuis le Portel jusqu’à Sangatte, est de 35 kilomètres environ. Mais la muraille n’est pas continue ; elle est fractionnée par une série d’échancrures analogues aux valleuses qui découpent le pays de Caux. L’une d’elles a même l’importance d’une grande vallée ; c’est celle au fond de laquelle coule la Liane, qui serpente sur une longueur d’une vingtaine de kilomètres et dont l’estuaire, autrefois beaucoup plus large et plus ouvert qu’aujourd’hui, a été peut-être le plus ancien port de la Gaule et bien certainement celui qui y a joué le premier rôle, comme port de guerre et d’armement, à l’époque de la conquête et dans les premiers siècles de l’empire. D’autres ne sont que de simples couloirs ; tels le Vimereux, le Slack et le modeste ruisseau d’Andreselles, qu’on appelle quelquefois la rivière d’Herven. Très probablement, leurs embouchures ont été autrefois de petits havres assez fréquentés et des auxiliaires précieux, en quelque sorte des annexes du port principal, qui occupait sur une assez grande longueur les berges de la Liane maritime ; elles sont à peu près délaissées aujourd’hui, presque comblées par les sables et ne paraissent plus avoir, au point de vue maritime, le moindre avenir.

La particularité remarquable de cette falaise, distante d’une trentaine de kilomètres environ de celle qui lui fait face sur la côte de la Grande-Bretagne, c’est de présenter exactement la même série de couches géologiques qui se succèdent suivant le même ordonnancement. Les assises de craie, d’argile, de marne, de silex se correspondent des deux côtés du détroit avec une exactitude parfaite. Ce sont les mêmes tranches, les mêmes ondulations, les mêmes fossiles, les mêmes couleurs. Les deux murailles qui se dressent vis-à-vis l’une de l’autre semblent se refléter à travers le bras de mer qui les sépare, et qu’on a si bien nommé le « pas » parce qu’il est très facile de l’enjamber. Ce « pas » qui n’a qu’une profondeur d’une cinquantaine de mètres