Page:Revue des Deux Mondes - 1901 - tome 6.djvu/840

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Etats intéressés. Les classes ouvrières des différens pays, se rendant bien compte de cet état de choses, ont établi des rapports internationaux qui visent à l’amélioration de leur situation. Des efforts dans ce sens ne sauraient aboutir que si les gouvernemens cherchaient à arriver par la voie de conférences internationales à une entente sur les questions les plus importantes pour les intérêts des classes ouvrières. »

On ne pouvait se méprendre sur la portée de déclarations aussi précises : il s’agissait pour l’Allemagne, ou d’entraîner les autres puissances à sa suite dans la réalisation des réformes sociales, de manière qu’elle ne s’affaiblît point sur le marché universel par une initiative isolée, ou de trouver, dans le refus de ses émules à suivre son impulsion, un prétexte pour résister aux envahissemens de la « social-démocratie » germanique. Que Guillaume II se fût substitué à la Confédération helvétique, à la veille du jour où celle-ci allait voir aboutir ses efforts et ses négociations de dix années, la cause en était simplement, suivant toute apparence, dans son goût prononcé pour tenir les premiers rôles et son dédain pour les doublures. Qu’il tînt un langage aussi net et aussi impératif, c’est qu’il avait des motifs pressans de le faire, motifs que l’on verra bientôt, et qui le conduisirent, plus audacieux que le cabinet de Berne, à reprendre l’un des problèmes abandonnés par celui-ci : à son instigation, en effet, à côté du repos dominical et de la règlementation du labeur des enfans et des femmes, M. de Bismarck inscrivit la limitation de la journée de travail pour tout le monde, adultes compris, parmi les objets d’étude de la Conférence, et cette addition, par son extrême importance, révélait toute l’acuité de la crise économique et sociale où se débattait alors l’Allemagne.

Les mois qui avaient précédé la subite résolution de l’empereur Guillaume avaient été marqués par une série de grèves. Avant cette période troublée, l’extraction de la houille allemande était en progrès constans : pour la seule Westphalie, l’année 1888 avait fourni une augmentation de production de 10 pour 100 sur l’année précédente, et le premier trimestre de 1889 donnait encore un accroissement de 8,50 pour 100 sur la période correspondante de 1888[1]. Or, la cessation du travail, en mars et avril, amena une diminution de 363 000 tonnes dans

  1. Ces chiffres sont extraits d’un important et intéressant travail de M. Vuillemin, ingénieur des mines, qui fut cité à la Chambre dans la séance du 6 mars 1890.