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Unigenitus. Mais il faut surtout reconnaître combien saine, élevée, et presque austère, était la dévotion qu’elle y entretenait.

Mme de Maintenon, on le sait, avait été baptisée catholique, mais elle avait été élevée dans la religion protestante par sa tante. Mme de Villette. Vers quatorze ans, elle s’était convertie à nouveau, mais non sans quelque répugnance. Ses ennemis dans le monde religieux ne l’avaient pas oublié. Ils usaient sans scrupule de cette arme contre elle, et plus d’une fois elle avait fait à ses dépens l’expérience de cette vérité plaisamment tournée par elle et passée presque en proverbe : « Le premier citron qui fut confit le fut par un dévot. » Quand elle suggérait quelques mesures de douceur en faveur des huguenots, et c’était sa tendance, on rappelait qu’elle avait été calviniste. Il lui en restait bien quelque chose. C’est ainsi que, de son propre aveu, elle n’aimait pas beaucoup la messe, à laquelle elle n’assistait que par devoir, et préférait les vêpres, c’est-à-dire le chant des psaumes, qui est le fond de l’office protestant. Aussi les offices de l’après-midi étaient-ils célébrés avec plus de solennité à Saint-Cyr que ceux du matin. Par cette origine protestante, il faut peut être expliquer ce que sa piété conserva toujours d’un peu aride, sans onction ni tendresse. Mais, en ce cas, il faudrait aussi faire honneur à cette même origine de ce que cette piété avait de ferme, de sain, d’opposé aux petites pratiques d’une dévotion mesquine. Comme prières, elle recommandait toujours aux religieuses les prières communes, « qui ne sont communes, disait-elle que parce qu’elles sont les meilleures : » le Pater, « tous les besoins étant exprimés dans les sept demandes qui y sont renfermées, » l’Ave Maria, le Credo, le Confiteor ; comme lectures, l’Evangile, l’Imitation, les Soliloques de saint Augustin, l’Introduction à la vie dévote. Elle y ajoute cependant Grenade et Rodriguez. Elle ne cessait, dans ses entretiens avec les demoiselles, d’opposer ce qu’elle appelait la piété droite à la dévotion de travers, et, comme on lui demandait ce qu’elle appelait la dévotion de travers, elle répondait : « C’est, par exemple, quitter le Saint Sacrement pour aller prier devant l’image d’un saint ; faire des neuvaines pour des bagatelles;... c’est dépenser beaucoup à orner une chapelle pendant qu’on laisse manquer les religieuses saines et malades de leurs besoins ; c’est employer à la prière beaucoup plus de temps qu’il n’est marqué et négliger de remplir les devoirs de sa charge et mille choses semblables ; » et elle ajoutait : « Le plus