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Mme de Maintenon, les unes publiées, les autres inédites[1]. A travers ces lettres où Mme de Maintenon s’applique souvent à tempérer le zèle réformateur de la jeune abbesse, et l’engage à commencer toujours par la douceur et la raison avant d’en venir à la rigueur, on devine les services que Mlle d’Aumale rendait dans cette maison religieuse réformée et reconstituée. Mais elle n’était pas moins nécessaire à Saint-Cyr. Aussi un débat ne tardait-il pas à s’élever entre Mme de Maintenon et Mme de la Viefville sur la question de savoir combien de temps elle resterait à Gomerfontaine. Pour la ravoir, Mme de Maintenon procède d’abord par insinuation. « Je vous annonce, écrit-elle, en décembre 1705, à l’abbesse, qu’il me faudra bientôt rendre Mlle d’Aumale. Je n’ai fait que vous la prêter. Charité bien ordonnée commence par soi-même, et nous avons besoin d’elle ici. » Et dans une autre lettre : « N’êtes-vous point un peu indiscrète de vouloir garder Mlle d’Aumale parce qu’elle vous est bonne, sans penser qu’elle nous l’est aussi ? Pressez donc votre résolution, ma chère fille, de nous la renvoyer, vers les jours gras. » Mais l’abbesse faisait la sourde oreille et ne répondait pas. Mme de Maintenon s’en plaint. « Est-ce par finesse que vous faites semblant de n’avoir pas reçu ma dernière lettre ? Je vous prie positivement de nous renvoyer Mlle d’Aumale. Il ne faut point qu’elle s’arrête à Paris, mais qu’elle vienne tout droit ici à Versailles ou à Saint-Cyr. Ne me faites point de la peine là-dessus, je vous en supplie, puisque je ne songe qu’à vous faire plaisir en toute chose. » Mais l’abbesse tenait bon, et il fallut que Mme de Maintenon lui signifiât qu’elle était tout à fait malcontente pour qu’elle se décidât vers le mois de février à renvoyer Mlle d’Aumale, sans échapper pour cela à une réprimande assez verte. « Il est vray, madame, que j’ai été tout à fait fâchée contre vous par rapport à Mlle d’Aumale. Je vous la demandois d’une manière si pressante et j’en avois tant de besoin dans ce temps-là que je croyois que vous me déviés cette complaisance. Elle m’assure que vous n’avés pas hésité dès la première lettre, mais, en vérité, elle ne paroit guère croyable sur ce qui vous regarde. Vous aurés vu par d’autres lettres que je vous ai soupçonnée d’avoir fait semblant de n’avoir pas reçu la mienne. Je serois très fâchée que vous eussiés ces détours. Je ne vous laisserai rien

  1. Les lettres médites sont au Grand séminaire à Versailles. Avis sur les Classes, t. II, p. 424 et suivantes.