Page:Revue des Deux Mondes - 1901 - tome 6.djvu/734

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Des Marais, rendue à la requête des dames de Saint-Cyr, la retint à l’Institut « pour aider aux classes[1]. » Mlle d’Aumale n’était pas seule dans cette situation. Elle avait des collègues, si l’on peut employer cette expression toute moderne qui sent le lycée de jeunes filles. Toute sa vie se serait donc écoulée dans cette situation un peu effacée, sans une bonne fortune qui lui arriva. En 1705, Mme de Maintenon eut besoin d’une secrétaire.

L’usage des secrétaires était beaucoup plus répandu autrefois qu’il ne l’est aujourd’hui. Beaucoup de personnes en faisaient usage pour leur correspondance privée. Si quelque femme avait le droit de se servir d’un ou plutôt d’une secrétaire, c’est assurément Mme de Maintenon. Le nombre des lettres qu’elle a écrites est prodigieux. On en connaît par la publication environ quatre mille. Un certain nombre existent et sont inédites. Un plus grand nombre encore ont été perdues. Quand on songe à la vie qu’elle menait et qu’elle nous a décrite elle-même, à cette chambre qui depuis son lever jusqu’à son coucher ne désemplissait pas, à ces audiences qu’elle ne pouvait refuser de donner, à ces longs tête-à-tête avec le Roi qui lui étaient nécessaires pour conserver son influence, on se demande comment elle trouvait le temps matériel de suffire à une correspondance aussi active, et l’on admire retendue et la force de cet esprit qui lui permettait à la fois d’échanger avec une femme comme la princesse des Ursins des lettres où elle n’avait pas le dessous, et d’adresser aux dames de Saint-Cyr des épîtres où les conseils spirituels alternent avec les recettes ménagères. Mais, pour suffire matériellement à la tâche, il était indispensable qu’elle eût recours à une main étrangère. Aussi ses lettres autographes, surtout aux dames et demoiselles de Saint-Cyr, devenaient-elles de plus en plus rares. On se les disputait, car elles étaient considérées comme une marque de prédilection. « C’est la folie de tout ce qui a été à Saint-Cyr d’aimer mon écriture, écrivait-elle à l’abbesse de Gomerfontaine, il faut cependant apprendre à s’en passer, » et dans une autre lettre : « Est-il possible, ma chère abbesse, que vous soyez encore assez enfant pour aimer mieux me faire mal et avoir de mon écriture. Cela est bon aux demoiselles de Saint-Cyr, mais à une vénérable abbesse c’est une faiblesse, » et elle ajoutait en post-scriptum :

  1. Bibliothèque de Versailles. Archives de Saint-Cyr, 1693-1771.