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de près la reprise des hostilités avec l’Angleterre et, dès lors, il devient une succursale active des ministères de la Guerre et des Affaires étrangères. Ses principaux agens, commissaires ou directeurs généraux, occupent les villes rapprochées des frontières ou récemment annexées ; ceux qui surveillent les ports de la Manche sont de vrais éclaireurs d’avant-garde. De Paris, le ministre transmet quelquefois les volontés de l’Empereur aux rois vassaux, il menace ceux qui manifestent des velléités d’indépendance, il fournit une garde à ceux pour qui la captivité a suivi la déchéance. Il fait espionner les ambassadeurs accrédités auprès de son maître, saisir et déchiffrer au passage leurs correspondances. A l’occasion du blocus continental, il doit fournir des informations régulières sur la situation de l’industrie et du commerce. Une campagne s’ouvre-t-elle ? Il lui faut poursuivre et diriger sur l’année les conscrits réfractaires, recevoir et surveiller les prisonniers. On l’emploie spécialement aux besognes peu loyales, qui impliquent l’arbitraire et exigent le secret, à celle par exemple de fabriquer du faux papier-monnaie afin de ruiner l’ennemi. De plus, il doit soutenir l’opinion publique par des pamphlets, des caricatures contre les Anglais, par des dithyrambes, des chansons, des cantates en l’honneur des vainqueurs du continent, souffler, sans être vu et selon l’heure, l’enthousiasme ou la haine.

L’organisation de la police, avec ses rouages et son personnel variés, ne devint complète que sous le second ministère de Fouché. Les auxiliaires immédiats du ministre, membres de son Conseil privé, étaient quatre conseillers d’Etat d’un d’eux exerçant les fonctions de préfet de police à Paris), entre lesquels se partageait la surveillance de l’Empire, comme jadis entre les quatre secrétaires d’Etat l’administration du royaume. Cette hiérarchie se continuait par les préfets des départemens et les maires des villes principales, assistés çà et là de commissaires généraux. Les uns et les autres disposaient, sans parler des agens subalternes, de la gendarmerie et, en cas graves, de la troupe de ligne. De plus, le roi de ce monde bigarré et équivoque avait son secret, tout comme Louis XV, car il entretenait à côté de la police officielle une police occulte, occupée à surveiller les opposans timides, à prévenir, à supposer parfois les projets ou les velléités de complots. Elle se personnifie pour nous en Desmarest, prêtre défroqué, franc-maçon, mari d’une protestante