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admirables, perfection technique du travail, simplicité de la décoration. L’édifice, construit en beau marbre, comprend une salle carrée, garnie sur trois côtés de gradins également en marbre, dont le profil sobre, à la fois élégant et solide, rappelle celui des sièges des théâtres grecs. Dans le fond, les rangs de gradins montent plus haut que ceux des côtés, et ces derniers sont limités par un mur de marbre assez bas, analogue au mur de la parodos des théâtres. Six cents personnes pouvaient y tenir à l’aise ; des escaliers d’angle permettaient aux assistans de gagner commodément leur place, et des dégagemens s’ouvraient sur le passage qui séparait l’édifice du portique nord de l’agora. Au centre de l’espace laissé libre par les gradins, on remarque un autel carré, orné de têtes de taureau, de guirlandes, de patinettes et de coupes portant en guise d’emblèmes des têtes de divinités. C’est la seule note décorative un peu accentuée qui égaie la simplicité sévère de la salle ; aussi bien c’est vers l’autel que convergeaient tous les regards, et c’est près de là que se tenait l’orateur. La disposition de la salle, du côté opposé aux gradins, est tout à fait nouvelle pour nous. Qu’on imagine un mur percé d’une niche éclairée par une fenêtre cintrée, et garnie d’un large banc de marbre ; à droite et à gauche, deux autres bancs : tel est l’aspect tout à fait inattendu qu’offre la partie sud. A n’en pas douter, il faut reconnaître ici remplacement réservé au bureau de l’assemblée ou du Sénat, les bancs où siégeaient le président, ses assesseurs, les greffiers et les scribes. Voilà donc tous les élémens nécessaires pour évoquer le tableau d’une séance du Sénat. Voilà les gradins où l’on replace sans peine les auditeurs drapés dans les plis élégans de l’himation grec. Voilà l’autel près duquel des orateurs ont si souvent discuté l’interminable question qui, au IIIe siècle, domine toute l’histoire politique de Priène, celle du territoire contesté de Karion et de Dryoussa, que les Samiens et les Priéniens se disputèrent avec acharnement, faisant appel à l’arbitrage des Rhodiens et de Rome. Voilà le banc de marbre où s’est assis un personnage dont une inscription nous a conservé le nom et raconté la carrière, Aulos Æmilios Zosinios. Il occupa toutes les charges publiques. Il fut gymnasiarque, paidonome, greffier du peuple et du Sénat, et enfin stéphanophore. Il reconstitua le collège des éphèbes. Il offrit à dîner à tous les citoyens, lorsqu’il fut élu magistrat suprême. Il fit des libéralités au gymnase public. Mais surtout il