Page:Revue des Deux Mondes - 1901 - tome 6.djvu/336

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.


V

Les grondemens menaçans de ces orages que nous avons entendus passer auprès du champ de bataille abandonné par les bûcherons, nous annoncent les sanctions de l’Evangile nouveau. Car ses préceptes comportent des punitions sévères, ou des récompenses délicieuses, que l’Apôtre a fait passer plus d’une fois sous les yeux des tièdes et des incrédules. Nous allons en rencontrer de purement poétiques ou fantaisistes, mais quelques-unes ne sont pas dépourvues de quelque portée scientifique.

Il en est ainsi du châtiment auquel nous venons de faire allusion et sur lequel Wagner insiste à plusieurs reprises. En effet, la météorologie nous l’enseigne, les orages et la grêle reviennent plus fréquens dans les régions où les mille feuilles des arbres ne sont plus là pour rétablir, par leurs pointes innombrables, l’équilibre électrique ou hygrométrique entre les nuées et le sol. La stérilité, les inondations subites sont, d’autre part, la conséquence ordinaire de la disparition des forêts, car la terre végétale, entraînée par les averses orageuses et privée de l’appoint annuel des feuilles mortes, disparaît des régions déboisées pour laisser à nu le rocher, propice aux courses folles des torrens. C’est ainsi que l’antique Péloponèse, ou certains districts de nos Cévennes, en quittant leur parure forestière, ont perdu toute richesse et toute prospérité.

Une « Dame de la forêt » vient en avertir le poète[1] :


La verte forêt est une salle remplie de héros, et les héros morts réclament une vengeance sanglante. Ils se vengeront donc par le glaive sur leurs ennemis surpris à l’improviste : ils les accableront de leurs javelots retentissans sous la forme de grêlons monstrueux, qui porteront le désordre dans leurs rangs.


De plus, tous les animaux des bois ayant péri par la destruction de leurs demeures, le sol devient un vaste tombeau, et la vengeance de ces infortunés se traduira par des épidémies redoutables :

« Leur main cadavérique s’étendra, pour les venger, sur le pays que parcourront, comme des ombres blêmes, épidémies,

  1. III, 34.