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pleurent le destin du Sauveur[1]. et, tandis que, de la rose, il fait le sanctuaire lui-même, le plus magnifique symbole de la foi chrétienne, Sion aux cent portes, le papillon qui s’en approche lui paraît un ange des milices célestes[2] ; dans l’araignée qui se glisse entre les pétales vermeils, il voit Satan s’introduisant à la dérobée pour accomplir son œuvre de mort, et les épines qui hérissent la voie de ce temple mystique figurent à ses yeux les amertumes du devoir.


Devant toi, mon esprit me révèle la cité de Dieu que nul œil n’a contemplée, nulle oreille soupçonnée jusqu’ici. Regarde, ô pèlerin, tu verras en raccourci dans la rose le chœur des bienheureux réunis autour du Sauveur. Ces filamens éclatans qui entourent le cœur, ce sont les légions des Séraphins volant autour du trône. Leur chant de triomphe est ici exprimé par l’hymne des parfums : l’élan des âmes est pourtant le même et l’apparence extérieure diffère seule ; vois les feuilles rosées qui viennent ensuite : ce sont les saints du terrestre séjour sacrifiés jadis en haine de la foi ; d’un cœur désormais satisfait, ils entourent le cercle des anges, ayant trempé leurs blanches robes dans le sang de l’Agneau.


Certain jour, par une inspiration plus chrétienne encore, le poète brûle de se rendre en pèlerinage aux Saints Lieux, de « parcourir les chemins où Il a marché jadis[3], » et la dernière fleurette de l’année, l’Achillée, qu’on appelle en allemand la « gerbe des moutons, » lui inspire encore une pensée religieuse d’une grâce charmante :


Ô toi, dernier bouquet qu’il est permis de cueillir le long du chemin, Achillée aux couleurs pâlies par le vent d’automne, les petites fleurs qui sont déjà mortes innombrables autour de toi t’avertissent de ton sort prochain par leur testament fraternel. Tu demeureras encore l’ornement des sentiers au cours de l’Avent, afin que ces jours sacrés ne manquent pas de pieux bouquets et de gerbes fleuries, jusqu’à ce que l’arbre de Noël s’allume à son tour. De plus, il te faut encore rappeler d’une voix basse et douce à l’humanité oublieuse les pasteurs et les brebis de l’Évangile, l’annonciation aux bergers dans la nuit, la faute et le châtiment rachetés. Quand tu l’auras fait, fleur des chemins, penche la tête pour t’endormir en paix, ayant bravement accompli ton œuvre[4].


Ce sonnet délicat ne semble-t-il pas un cantique sorti de l’âme de ces pieuses filles vouées au service de Dieu, auxquelles

  1. II, 4.
  2. II, 20.
  3. Oswald et Clara. — Rüeckblick. — Dans les Nouveaux Poèmes.
  4. II, 25.