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Elle n’est plus capable de retenir son époux, la femme au visage vieilli, pâli, jauni, aux bras flétris : chaque jour, elle le voit passer dédaigneusement sur son char de feu, devant la maison d’été où elle s’attarde encore, avec essaim de leurs enfans.

Ni scènes, ni colères, ni supplications, ni torrens de larmes ne le ramèneront désormais sur son sein, et elle farde alors ses joues pâlies afin de reconquérir son cœur. C’est la lande qui se colore en août.

Elle projette donc de l’appeler maintenant au passage, de l’attendre debout sur le seuil, dans tout l’éclat de sa jeunesse retrouvée. En effet, il contemple ses joues rosées comme jadis, et il revient alors, avec de nouvelles caresses, demandant amicalement ce que désire la bien-aimée.

Oui, de joyeuses heures renaissent pour les époux réunis derechef. Pourtant, de plus en plus la femme devient vieille et maussade : elle fait appel à d’autres charmes pour séduire, elle essaye des artifices inaccoutumés, afin de rappeler encore une fois les fleurs de la jeunesse sur son visage et sur son corps.

Ce sont d’abord de roses bruyères, qui pâlissent bientôt à leur tour : elle teinte alors les trembles, les hêtres et les chênes, avec le fard dont elle s’est armée, mais elle a, cette fois, dépassé la mesure, et l’époux, au passage, a remarqué son mensonge et sa ruse.

Et, puisque les attraits de la jeunesse lui font irrévocablement défaut, elle couvre de pierres fines et de joyaux ses bras, ses épaules et ses cheveux. Ce sont les perles d’agate du ligustre, les baies rouges qui révèlent la haie des aulnes.

Enfin, ce suprême effort demeure sans résultat, et, si ses joues brûlent encore sous leur peinture ardente, c’est de colère à présent et de dépit menaçant. Elle n’a pas honte d’afficher sa fureur sur tous les chemins ; elle se torture et pleure jusqu’à en mourir.

Ces dernières convulsions sont vaines : une fois seulement, avant qu’elle succombe, au Jour béni des Morts[1], l’époux revient vers elle dans un brusque élan, mais prononce enfin sur sa tête un « Repose en paix ! » tandis qu’elle s’affaisse muette entre ses bras.


Voilà sans conteste une description puissante et colorée. Pourquoi faut-il que Wagner poursuive alors :


Oui, ô voyageur par la forêt de septembre, ne penses-tu pas en toi-même : Ce sanctuaire a l’aspect de la salle à manger et de la chambre à coucher d’une beauté sur le retour : avec son attirail de vaisselles diverses qu’on ne saurait toutes nommer, assiettes, et plats, urnes et vases, pots de fards et godets de peinture : depuis les poteries grossières, sans couverture d’émail, jusqu’à la fine porcelaine merveilleusement décorée. Simples d’esprit, vous qui nommez ces plats et ces assiettes des champignons, ces pots de fard ou ces godets des agarics, etc.


N’y a-t-il pas, dans cette insistance sur une image dont

  1. C’est une croyance populaire en Souabe que le soleil se montre sans faute au Jour des Morts avant de se cacher pour la durée de l’hiver.