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tion républicaine à laquelle les collectivistes cesseraient d’appartenir. Que le ministère désire une concentration de ce genre, cela se comprend ; mais que le centre s’y prête, cela n’est pas admissible. Les auteurs de la politique qui sévit sur nous depuis deux ans ont perdu toute autorité, toute qualité pour se mettre à la tête des républicains libéraux, et ceux-ci ne pourraient se mettre à leur suite sans perdre eux-mêmes ce qu’après tant de fautes, ils conservent pourtant encore de la confiance du pays. Mais rien de pareil n’est à craindre, et nous espérons qu’on le reconnaîtra bientôt.

En attendant, le ministère Waldeck-Rousseau reste chargé de pourvoir à la situation dont nous venons de retracer les traits principaux : déficit dans le budget, danger de conflit dans la rue, anxiété dans tous les esprits en présence de l’avenir le plus incertain. Comme nous l’avions prévu, il n’y aura pas de grève générale : on y renonce partout, même à Montceau. Le comité fédéral, réuni à Saint-Étienne, a décidé qu’elle serait ajournée. C’est toujours par ajournement qu’on procède : la menace reste, et malheureusement aussi les espérances décevantes qu’on a mises dans l’esprit des ouvriers. Quant aux fusils, le gouvernement a décidé qu’ils devaient être déposés bénévolement par leurs détenteurs, faute de quoi ils seraient saisis à domicile. Cette seconde opération, qui sera certainement rendue nécessaire par l’insuffisance de la première, est plus facile à concevoir qu’à exécuter. On se contentera sans doute d’un simulacre de désarmement. On saisira quelques fusils, et on dira que l’opération est achevée : il serait téméraire de s’y fier ! Tout demeure donc en suspens, même le ministère. On dit qu’il fera les élections. S’il en est ainsi, la question sera clairement posée : le pays saura pour ou contre quelle politique il vote, et il prendra à son tour, s’il endosse la responsabilité d’un passé qu’il a eu le temps de juger, celle d’un avenir qui nous apparaît sous les plus sombres couleurs.


Francis Charmes.
Le Directeur-Gérant,
F. Brunetière.