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politicien d’aujourd’hui reste à faire. De même, M. Fabre n’a pas tenté la comédie vraiment significative du moment présent, celle qui montrerait la politique s’insinuant partout et faussant tous les rouages de notre vie sociale. Il s’est contenté d’exposer à la scène les recettes de la cuisine électorale, et le fait est qu’il y a réussi. L’impression qu’on emporte est celle d’avoir feuilleté un album de caricatures politiques. M. Fabre est fort jeune : il pourra acquérir les qualités qui lui font encore défaut ; il voudra faire davantage œuvre d’écrivain. En attendant, c’est beaucoup qu’il ait montré une réelle entente de la scène, un don remarquable de traduire sa pensée sous forme sensible, par d’ingénieux raccourcis. C’est plus qu’il n’en faut pour qu’on doive désormais avoir l’œil sur lui.

L’habile mise en scène de M. Gémier entre pour une partie dans le succès de la Vie publique. Tout le dernier acte est presque entièrement rempli par des mouvemens de foule très curieusement réglés.

M. Gémier a composé avec beaucoup de justesse le rôle de Ferrier et nous a fait suivre par une progression bien nuancée les défaites successives de son intransigeance. Louons, entre autres, M. Berthier dans le rôle de l’adjoint Astrand, M. Lenormant dans celui du marquis de Riols. M. Beaulieu et M. Adès ont fait de l’évêque et du banquier Israélite un groupe des plus amusans.


Les romanciers cèdent trop souvent à la tentation de découper en actes et en scènes leurs récits ; mais quand le travail est exécuté par un adaptateur qui est ou a été comédien de son métier, c’est alors qu’il faut laisser toute espérance. Nous venons d’en avoir dans la pièce que joue le Vaudeville un bel exemple. Yvette est un récit qu’un dramatiste avisé se fût bien gardé de tirer du livre pour le porter au théâtre, le sujet en étant un des plus complètement usés qui soient, depuis cinquante ans que la comédie l’a ressassé jusqu’à épuisement. La fille d’une drôlesse peut-elle devenir une honnête femme et se marier bourgeoisement ? Grave question ou question saugrenue, il suffit qu’ayant été examinée sous tous les aspects, tournée et retournée en tous les sens, débattue et rebattue, il n’y ait plus à y revenir. Ce qui est amusant, c’est l’incapacité où se trouve le comédien, devenu auteur, d’employer d’autres procédés dramatiques que ceux qu’il a de tout temps vus réussir. Pas une scène dont il ne traîne dans notre mémoire vingt exemples. Yvette est la fille d’une certaine Mme Obardi, jadis cuisinière, présentement marquise d’un des marquisats qui abondent au pays de Cythère. Au premier acte, l’inévitable bal dans le monde des