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avec le prince Stephen. J’ignore quel est le dénouement que les comédiens prétendaient imposer à M. Schéfer. Il se peut qu’il fût aussi mauvais : il ne pouvait l’être davantage.

Une sorte de déclamation sur le malheur d’être Roi, telle est cette pièce qui est aussi peu que possible une pièce de théâtre. On voudrait que l’absence de qualités proprement scéniques y fût rachetée davantage par des qualités de style et d’expression.

M. Paul Mounet a joué avec beaucoup de dignité le rôle du Moi. Il y a été vraiment remarquable. On ne saurait en vouloir à Mmes Segond-Weber et Marie Leconte si elles n’ont pas réussi à prêter à leurs rôles quelque air de consistance.


La Vie publique que M. Émile Fabre vient de faire représenter à la Renaissance est une comédie adroitement faite et qui dénote chez son auteur un joli tour de main.

C’est une satire de nos mœurs électorales. Nous sommes à Sa-lente en France. Qui l’emportera, aux prochaines élections municipales, les radicaux socialistes, ou les socialistes révolutionnaires ? L’honnête Ferrier restera-t-il à la mairie, ou sera-t-il supplanté par l’affreux Maréchal ? Il est très difficile de mettre la politique au théâtre : elle y est souvent choquante ; elle est presque toujours ennuyeuse. Néanmoins, et pour notre malheur, le public est aujourd’hui plus qu’en d’autres temps préparé à en entendre et à en goûter une étude sévère. Notre pays est rongé par la politique. C’est un des maux dont il souffre le plus, à l’heure qu’il est ; nous en avons tous l’impression très douloureuse et très nette. Ajoutez que nous sommes à la veille d’entrer dans une période électorale. Devant une pièce où l’on dénonce les marchandages, les concessions et les compromis, nous sommes dans la situation de ce brave homme qui aperçoit un ivrogne roulant au ruisseau : « Et dire que je serai comme ça dimanche ! » Une pièce qui cingle ces mœurs déplorables était assurée de répondre au sentiment intime du public et d’être encouragée par notre secrète complaisance.

Le système théâtral employé par M. Émile Fabre est celui qui, du roman naturaliste, fut transporté à la scène par les écrivains du Théâtre-Libre. Il consiste à juxtaposer des tableaux, nuancés et dégradés de façon à nous faire assister à la progressive déchéance d’un caractère. Le maire de Salente, Ferrier, doit à sa seule honnêteté sa fortune politique. C’est un homme tout d’une pièce. Ferme sur les principes, également opposé aux cléricaux et aux révolutionnaires,