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réinstaller chacun d’eux dans ses quartiers, dans son temps, dans son groupe.

Explorations toujours récompensées, au cours desquelles on est tenté tour à tour de bénir et de maudire le roi Louis-Philippe. Nous lui devons la conservation de ce grand patrimoine national. Il en fit un musée consacré « à toutes les gloires de la France ; » égide respectée, qui a préservé le château de l’abandon, de la ruine, des accidens révolutionnaires, et d’un fléau plus redoutable encore, le vandalisme administratif. Mais les travaux d’aménagement sous Louis-Philippe furent conduits avec l’ignorance et le mauvais goût de l’époque ; ses maçons détruisirent des merveilles de style décoratif, ils bouleversèrent certains appartemens, entre autres celui de Mme de Maintenon ; et l’on entassa dans le Palais tout un bric-à-brac pseudo-historique, toiles et plâtres qui n’y ont que faire.

L’érudition la plus sûre et le goût le plus délicat remédient aujourd’hui à ce qu’il y a de réparable dans ces fautes initiales. Colbert et Mansart continuent à veiller sur le château de Versailles : ils eussent eux-mêmes désigné le surintendant qui remet dans leur création une âme ordonnée. D’un musée glacial et chaotique, le conservateur actuel[1] refait une demeure paisiblement habitée par ses maîtres légitimes. Il les replace en effigie dans leurs appartemens respectifs, dans leur train de vie, au milieu de leurs meubles, avec leur compagnie habituelle. Ce plan méthodique est en voie d’exécution partout où il ne rencontre pas de difficultés insurmontables, au rez-de chaussée, dans les cabinets. Lorsqu’il sera achevé, ces parties du château offriront au visiteur une incomparable illustration des livres qui racontent l’histoire de la monarchie, depuis Louis XIV

  1. Il n’est que juste d’adresser ici mon remerciement à M. de Nolhac. Ses publications savantes sur le château, — y compris celle que M. Bernard éditera dans quelques jours, la Création du château de Versailles, — m’ont fourni le fil conducteur faute duquel on s’égare à chaque pas dans ce labyrinthe. Elles éclaircissent tous les problèmes d’attribution ; elles rectifient et complètent les monographies de l’honnête Dussieux, trop souvent inexactes. Plus encore que par ses livres, l’historien de Marie-Antoinette m’a facilité ce travail par ses explications orales. Il eût fallu surcharger mon texte de guillemets et de références pour restituer à M. de Nolhac les renseignemens que je lui dois, les citations que je lui emprunte. J’aime mieux rendre mes comptes en bloc : si quelque erreur s’est glissée dans cet article, elle est de mon fait ; si l’on y trouve des indications précises et quelques glanes fructueuses dans le champ du passé, l’honnêteté m’oblige à dire qu’on en doit rapporter le mérite aux livres et aux entretiens d’un guide aussi obligeant qu’informé.