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— Bref, nous nous sommes jetés à la plage, troupiers et marins, avec un entrain admirable. Je crois bien que nous avons été repoussés une fois par une charge à la baïonnette de l’ennemi…, mais je n’en suis pas sûr. Nous verrons cela demain dans les gazettes.

— Et le deuxième voyage ?

— Même répétition, sauf que l’ennemi, déconfit déjà, nous laissa à peu près tranquilles. Quant au troisième voyage, ce fut tout différent : le vent du Nord-Ouest s’était levé, battant en côte et le clapotis était assez fort pour gêner l’accostage. Aussi fallut-il beaucoup plus de temps et je pense que c’eût été là, dans une véritable opération de guerre, la meilleure chance des défenseurs. Et puis on avait mis le reste des troupes des paquebots sur ces grandes allèges, — des chalands énormes, à plate-forme très haute, — que l’on remorquait le plus près possible du rivage. Mais, tout de même, il fallait opérer un transbordement avec nos canots et, comme ceux-ci étaient beaucoup plus bas, ça n’allait pas vite. À ce propos, un détail qui a son importance : les paquebots sont lèges, n’ayant rien à porter — du moins l’Atlantique et le Médoc — que les troupes ; d’ailleurs, ils s’allégeaient de plus en plus, à mesure que ces troupes débarquaient, de sorte que les échelles de coupée étaient trop courtes et que les hommes, chargés de tout l’attirail de campagne, étaient fort empêtrés ! Il faudrait y prendre garde, dans une circonstance où les minutes valent des heures…

— Cela est vrai, dit l’officier en second, qui écoute, lui aussi, le récit de M… ; mais dans une opération réelle de débarquement sur la côte ennemie, les paquebots — à supposer que l’on employât ce moyen de transport pour l’infanterie — seraient en pleine charge, portant vivres, munitions, matériel, dans leurs cales, en même temps que le personnel dans leurs batteries. Les échelles ne seraient donc pas trop courtes, sauf à la fin de l’opération. L’observation n’en est pas moins bonne à retenir et c’est justement dans l’accumulation de ces petites remarques que se trouve le bénéfice d’une expérience comme celle-ci.

— Et les chevaux, et les canons ?… Où les a-t-on mis ?…

— Vous avez vu le Médoc et la France rentrer dans le port de la Pallcée, dont notre succès nous donne le libre usage. C’est à quai même, par conséquent, qu’on débarquera chevaux et voitures. Sur la plage, nous avions nos canons de 65 millimètres,