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congrégation n’ayant jamais osé affronter une discussion parlementaire pour demander aux Chambres de la reconnaître. L’expérience manque donc pour savoir ce qui va se passer. Quelle que soit la passion qu’une partie de la Chambre apporte dans les affaires de ce genre, n’oublions pas qu’elle est elle-même assez près du terme de ses pouvoirs, et qu’avant tout elle doit voter le budget de l’année prochaine. Il est douteux qu’elle y parvienne avant le 31 décembre. Cela fait, elle n’aura guère plus que six semaines de session au commencement de 1902 ; puis, les vacances de Pâques arriveront ; le tocsin électoral sonnera dans les airs ; nos fiers souverains d’aujourd’hui redeviendront d’humbles candidats, et d’autres préoccupations que celles qui leur viennent des congrégations religieuses assiégeront leurs esprits. Il est donc probable que, du moins à l’égard du plus grand nombre d’entre elles, c’est la Chambre future qui prendra une résolution, et il est probable aussi qu’à peine arrivée au Palais-Bourbon, ce n’est pas par là qu’elle commencera son œuvre. Les congrégations religieuses qui ont demandé à être autorisées attendront peut-être longtemps la réponse du Parlement. Peut-être même le Parlement, dans le secret de sa conscience, ne désire-t-il pas beaucoup leur en faire une. Autoriser une congrégation, c’est la fortifier ; lui refuser l’autorisation, c’est commettre un acte qui ne manquera pas de léser un certain nombre d’intérêts et risquera dès lors d’être mal jugé. Peut-être les Chambres, satisfaites d’avoir obtenu des congrégations qu’elles s’inclinent devant la loi, laisseront-elles le statu quo se perpétuer, et beaucoup de bons esprits estiment qu’elles ne pourraient rien faire de plus politique. Ce n’est malheureusement pas une raison pour qu’elles le fassent. Toutefois, qui sait ? Le temps arrange bien des choses. Il substitue des questions nouvelles à celles qui, à un certain moment, ont soulevé le plus d’émotions. Aussi, toutes les fois qu’on peut, si on nous permet ce mot, le faire entrer dans son jeu, il faut le faire. Même dans une question comme celle-ci, question morale et religieuse avant tout, il n’est pas interdit de s’inspirer de la sagesse humaine. L’Église, qui se dit éternelle, sait par expérience que la temporisation est une force immense. Enfin, qui a terme peut toujours espérer se sauver de manière ou d’autre, et la loi du 1er juillet, en invitant les congrégations à solliciter la reconnaissance légale, leur permettait de s’assurer pour le moins un délai. Celles qui en ont profité continuent de diriger leurs hôpitaux et leurs écoles. Elles s’adonnent aux mêmes œuvres que par le passé, sans y être en rien contrariées. Encore une fois, l’avenir est obscur et