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on n’aurait pas de peine à les énumérer. Les auteurs y ont appliqué avec beaucoup de conscience et de loyauté des procédés qui faisaient merveille au théâtre, il y a une trentaine d’années ; tout ce qu’on peut regretter, c’est qu’ils n’en aient pas choisi qui fussent de date un peu plus récente. Les Maugars sont d’excellent ouvrage comme pouvait en faire, au beau temps de la comédie d’Émile Augier, un admirateur de Maître Guérin. En ce temps-là, l’effort suprême du dramaturge consistait à dessiner par des traits vigoureux, avec solidité et relief, un personnage qui eût la valeur d’un type, son caractère étant dans une exacte dépendance de la condition et du milieu. À coup sûr, la méthode était bonne et MM. Theuriet et Loiseau lui doivent la meilleure création de leur pièce. Le père Maugars est un type d’usurier de campagne pris sur le vif, ou, ce qui revient au même, emprunté à Balzac. Apre au gain et retors, toujours rusant avec le code, jouant avec la procédure et tournant la loi, cet habile homme, qui exproprie les riches de leur château et les pauvres de leur chaumière, est d’ailleurs un bon compagnon, plein d’entrain et de rondeur et qui aime son fils, à sa manière. Les lois du théâtre voulaient alors que, par une juste compensation, si le père était une canaille, le fils fût l’honneur même et le désintéressement. Le fils Maugars n’y manque pas. Bien entendu aussi, c’est en vain qu’on l’a destiné à l’avocasserie : une vocation irrésistible l’entraîne vers les beaux-arts. En face de l’usurier, on plaçait sa victime, dont il convenait de faire un rêveur, un esprit noble et chimérique : car c’est une vérité d’observation que les rêveurs sont faits pour être dupés par les hommes d’un esprit plus réaliste. Desroches est ce type d’imbécile sympathique, dont il faut bien dire que la présence dans une famille est un fléau, un effet de la colère du ciel. Ajoutons que le fils Maugars aime la fille de Desroches et que l’amour des deux jeunes gens, contrarié, traversé, grandissant avec les obstacles, aura, quelque jour, sa récompense.

À cette époque où les premiers feux de l’aube doraient le visage de la jeune République, il était entendu que les sentimens républicains convenaient seuls à une âme vertueuse, et que l’attachement à l’Empire était signe de la dernière perversité. Le rôle politique de Maugars et de Desroches se trouve parla même tracé. L’affreux Maugars sera un partisan du prince Louis, l’honnête Desroches sera une victime du Deux Décembre. Enfin la question des enfans naturels a beaucoup préoccupé les écrivains qui nous ont précédés. Les hommes de cette génération flairaient partout des naissances illégitimes. C’est aussi bien le cas de ce pauvre diable de Desroches. Il a une fille, et n’arrive