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sur les deux bords de la voie ferrée ; au bout de dix ans, le chapelet est complet, les lacunes sont comblées. Le chemin de fer a distribué sur ses deux bords une suite continue de colons français.

Mieux encore que l’exécution de grands travaux publics, la sécurité, la stabilité de la valeur vénale de la propriété, la liberté des transactions entre acheteurs et vendeurs de terrains, le bon renom de la colonie, l’apaisement des partis, le rapprochement des races, serviront la cause de la colonisation. La prospérité et le développement futur d’un pays, en effet, ne sauraient dépendre seulement des efforts que les gouvernemens font pour améliorer la nature du sol et faciliter l’écoulement des produits ; ils dépendent surtout des avantages et des facilités d’existence qu’offre à l’émigrant le pays où il va se fixer. La colonie doit avoir par elle-même une force d’attraction propre ; elle doit donner aux habitans de la métropole la conviction qu’il y a là, sur la terre conquise, toutes les conditions réunies pour qu’ils puissent se créer un foyer sûr et heureux. Le peuple colonisateur doit être animé d’une foi croissante dans l’avenir de la colonie qu’il veut constituer, qu’il veut peupler lui-même, à laquelle il apporte des forces et des capitaux. Cette force d’attraction, l’Algérie l’a possédée dès le début, et les immigrans qui s’empressèrent d’y répondre montrèrent qu’il y eut alors dans la conscience populaire un instinct plus fort, plus clairvoyant que toute l’intelligence des gouvernans. Si, aujourd’hui, les immigrans viennent peu en Algérie, c’est que l’État, dans son désir de hâter par des moyens artificiels le peuplement de la colonie, lui a fait perdre une partie de ces avantages. Qu’il laisse faire, et la colonisation se fera d’elle-même.

Elle se fera d’abord par l’extension des superficies cultivées par les colons. Cette extension aura lieu non au moyen des confiscations et des expropriations, mais simplement en vertu des transactions librement consenties entre indigènes vendeurs et colons acheteurs. C’est une erreur de croire, en effet, que les colons ne trouvent pas à acheter des terres aux indigènes. En dépit de l’existence de la propriété collective, qui. est surtout le régime en faveur chez les Arabes, les superficies occupées par la colonisation s’accroissent chaque année. C’est ainsi que, de 1884 à 1893, les Européens ont acheté directement aux musulmans 201 885 hectares de terrains ruraux, représentant un prix total