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Chambres, en effet, ont commencé à comprendre que l’intervention de l’Etat ne pouvait produire, à grand renfort de dépenses, de formalités et de règlemens, qu’une œuvre artificielle et mal venue. Les défiances qu’a inspirées la colonisation officielle ont amené d’année en année des réductions continues dans le budget de la colonisation. De 4 400 000 francs, auxquels s’élevait ce budget en 1878, il a été ramené par des réductions à 1 800 000 francs en 1897. Encore fut-il décidé, cette année même, qu’une partie des ressources serait employée désormais à l’amélioration des centres anciens et qu’une moitié seulement serait affectée aux créations nouvelles. On n’implante plus annuellement qu’une centaine de colons. Il n’y a qu’à persévérer dans cette ligne de conduite et à supprimer complètement le budget de la colonisation officielle.

C’est désormais à un autre principe que nous devons subordonner notre politique coloniale, à une autre méthode de colonisation que nous devons nous adresser. La voie dans laquelle nous devons nous engager nous est d’ailleurs suffisamment connue. Depuis soixante-dix ans, les colons indépendans nous l’ont suffisamment indiquée et nous ont montré combien elle est efficace, combien elle est peu onéreuse pour l’Etat, combien elle nous concilie les indigènes, combien enfin elle est rationnelle et conforme aux lois économiques. Puisque la force des choses, d’ailleurs, amène les acheteurs à supplanter les détenteurs de concessions gratuites, il faut établir tout de suite notre système de colonisation sur le principe de l’achat, qui donne des colons qui durent, au lieu du régime de la concession gratuite, qui donne des colons qui ne restent pas.

Ce régime de la vente des terres, nous l’avons du reste appliqué en Algérie à diverses reprises, et nous pouvons en apprécier les résultats. De 1860 à 1871, il remplaça le régime des concessions gratuites. Cette modification dans le mode d’appropriation des terres eut de bons effets, et la population agricole, dans le ressort administratif des centres colonisés, s’éleva pendant cette période de 32 000 unités. Aboli en 1871 par l’amiral de Gueydon, qui voulait établir à la hâte des colons sur les terres dont venaient, à la suite de l’insurrection, d’être dépouillés les indigènes, le régime de la vente des terres ne tardait pas à être repris. Dès 1882, dans une circulaire adressée aux préfets, M. Tirman en était amené à signaler les inconvéniens du régime des concessions gratuites, qui n’étaient plus, disait-il, qu’une