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au fur et à mesure deviennent maîtres des conseils municipaux. Et voilà que, non contens d’augmenter sans cesse leur nombre et de mettre en leurs mains l’influence politique, nous nous attachons, depuis quelques années, à assurer aux nouveaux venus l’influence économique, et cela au détriment de l’élément français ! Et c’est ici encore l’intervention de l’Etat qui doit être mise en cause, avec la manière dont il applique le régime des concessions.

Jadis, les concessions gratuites et les concessions à titre conditionnel n’étaient données qu’aux Français de la métropole, et même on interdisait aux étrangers de se porter acquéreurs dans les adjudications des terres aliénées par le Domaine. Mais, il y a une vingtaine d’années, on commença par demander en Algérie que, dans les nouvelles créations de villages, une part fût faite aux fils des Algériens, parce que, étant au courant de l’agriculture africaine, ils pourraient l’enseigner aux nouveaux arrivans. Puis, mis en goût, on professa une doctrine plus radicale et l’on demanda que les fils de colons, connaissant le pays et étant par cela mieux à même de réussir, fussent préférés aux Français d’origine nés sur le sol métropolitain. En vertu de cette théorie, il fut admis qu’une moitié au moins, puis les trois quarts, puis enfin, dans certains cas, la totalité des concessions seraient données aux colons. C’est ainsi que tous les lots dans les villages qu’on agrandit sont exclusivement réservés aux fils de colons. Quant aux lots dans les villages de création nouvelle, tous les efforts sont faits pour obtenir que les trois quarts de ces lots soient réservés aux fils de colons et on y réussit. Ainsi le jeu naturel des intérêts autour de la colonisation officielle a réduit la part des métropolitains dans la distribution des terres en Algérie à rien dans les villages à agrandir et à un quart seulement dans les villages à créer. De par ce fait, les Français de France sont évincés et il n’y a presque plus de place pour l’immigration française dans les terres aliénées par le Domaine.

Mais il y a plus ! Ces concessions dont nous ne faisons bénéficier que d’une manière infime nos nationaux, nous n’hésitons pas à en faire bénéficier l’élément d’origine étrangère de la manière la plus large : les naturalisés ont droit aux concessions gratuites et ils ne se font pas faute d’user de ce droit. Peu à peu, par l’obtention des concessions, les naturalisés se transforment de prolétaires en propriétaires : ils acquièrent l’influence que