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renom et d’un autre prestige, si elle avait été laissée libre de se développer à son aise par la seule force d’attraction que la colonie aurait exercée sur la métropole ?


V. — LA COLONISATION OFFICIELLE EST LA CAUSE DES ERREURS DE LA POLITIQUE ALGÉRIENNE ET CRÉE LE DANGER DE L’AVENIR

L’intervention directe de l’Etat pour implanter de force la race française en Afrique n’a donc pas eu dans le passé le rôle utile que certains se sont plu à lui attribuer, elle n’a contribué que dans une proportion insignifiante au peuplement de l’Algérie, et elle a nui au développement de la colonisation libre. La possession de cette vérité est d’une importance capitale pour qui veut comprendre l’histoire de la colonisation algérienne et la juger en connaissance de cause. En effet, les conditions du fonctionnement de la colonisation officielle et les résultats qu’il a produits expliquent la plupart des erremens de la politique coloniale algérienne. Ces conditions et ces résultats connus, l’histoire de ces erremens restée en apparence si complexe, si embrouillée et si obscure, se simplifie, s’explique et s’éclaire. En dépouillant les indigènes de leurs terrains par les moyens violens de la confiscation et de l’expropriation, on obéissait à la nécessité d’avoir des terres en quantité suffisante pour les besoins de la colonisation officielle. En faisant appel à des gens plus ou moins capables de mettre en exploitation les lots qui leur étaient concédés, l’administration obéissait à la nécessité d’avoir à tout prix des colons sur ses concessions. En négligeant la colonisation libre et au besoin même en l’entravant, on sacrifiait au désir de ne pas susciter des concurrens aux colons officiels et on ne voulait pas avoir sous les yeux le spectacle de colons qui réussiraient là où les autres échouaient, ce qui était la condamnation même du système. Et, à leur tour, ces erremens de la politique coloniale algérienne ont été la cause et le point de départ des maux dont a souffert dans le passé et dont souffre actuellement l’Algérie, à savoir : l’antagonisme des indigènes et des Européens, le mécontentement général des colons, l’arrêt de l’immigration française, le discrédit jeté sur la colonie. Tout se suit et s’enchaîne. Privés d’une partie de leurs terres dans le passé, craignant de se voir dépouillés encore dans l’avenir, les indigènes nous sont devenus hostiles. Appelés par l’Etat, dotés et