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ouvriers, des chefs d’ateliers, des négocians et des industriels. Les autres s’établirent dans les campagnes et rachetèrent les fermes et les établissemens qui avaient été ruinés et incendiés pendant la guerre et que leurs premiers possesseurs avaient dû abandonner. Dans le Sahel, les villages fondés par les premiers colons, comme ceux de Birkadem, d’Hussein-Dey, furent repeuplés par les nouveaux immigrans. Dans la Mitidja, ils relevèrent les anciennes fermes de leurs ruines et les restaurèrent ; puis ceux qui le purent se mirent à acheter des propriétés aux indigènes. Et, dès le début, ces colons parurent se trouver, pour la mise en œuvre de défrichement et de culture du sol, dans une situation meilleure que celle des concessionnaires de l’Etat, parce qu’ils n’étaient soumis à aucune obligation et à aucune charge. Ils pouvaient choisir leurs terres et ne pas trop s’écarter des villes et des routes ; ils trouvaient sur les anciens haouchs des maisons qu’il suffisait de réparer pour avoir un premier abri. S’ils avaient des bois, ils pouvaient les conserver ; s’ils n’avaient pas d’arbres, ils n’étaient pas obligés d’en planter. Ils n’étaient pas tenus de convertir leurs prairies en champs de blé, ni de défricher à tout prix ; ils pouvaient réserver aux pâturages une grande partie de leurs terres, ne cultiver que les meilleures et laisser le reste aux Arabes. En un mot, ils étaient libres de tirer de leurs domaines le parti qui leur semblait le plus avantageux.

Mais, par-dessus tout, ce qui assura leur succès, ce furent leurs qualités personnelles : leur esprit d’initiative, la confiance en eux-mêmes et la ferme volonté d’aboutir. Ils eurent dès le début la compréhension nette de ce qu’il fallait faire. Dans les haouchs qu’ils avaient achetés aux indigènes et qu’ils voulaient transformer en fermes d’exploitation, ils commencèrent par approprier le sol, creusant des puits là où l’eau faisait défaut, drainant et desséchant là où la terre était humide, et plantant partout des cyprès, des acacias et des mûriers. On reprit les anciennes cultures du pays, blé et orge ; on y ajouta la culture des plantes industrielles, comme le tabac et le coton ; les vieux oliviers furent greffés. Les charrues arabes furent proscrites et remplacées par des instrumens perfectionnés. Suivant en cela l’exemple que leur avaient laissé les colons de la génération de 1830, ils eurent le respect de l’indigène et entourèrent de leur sollicitude ceux d’entre eux qui travaillaient chez eux ; ils les associaient à leurs travaux, leur enseignaient la culture française et propageaient les