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les tribus du Sahel et de la Mitidja, après l’insurrection de 1840, se trouvaient aliénées. Et de nouveau surgissait le grand obstacle à la colonisation terrienne officielle : la pénurie et l’épuisement du domaine. Ce système de colonisation, qui allait se mourant depuis une vingtaine d’années, allait être définitivement abandonné, faute de terres disponibles, quand l’insurrection de 1871 vint, on ne peut plus à propos, procurer au gouvernement une occasion de reconstituer une réserve de terres domaniales aux dépens des indigènes. A la suite de cette insurrection, trois cent seize tribus ou fractions de tribus et, en outre, 3 243 familles ou individualités indigènes furent dépouillées de leurs biens. Trois cent mille hectares furent ainsi mis à la disposition du Domaine. Peut-être eût-il mieux valu, au point de vue d’une politique soucieuse de l’avenir, imposer aux indigènes une contribution de guerre élevée que de leur enlever leurs terres, car cette mesure, en les privant de leurs moyens de subsistance, ne pouvait qu’entretenir et attiser entre indigènes et colons les germes de haine et de discorde que déjà avaient fait naître les confiscations de 1840 ; mais on ne s’arrêta pas à cette considération. On dirait d’ailleurs que l’administration, à laquelle cependant auraient dû profiter les leçons du passé, voulut à cette époque renouveler comme à plaisir la série des fautes commises depuis 1840. Comme si elle n’avait rien appris et avait tout oublié, elle abandonna, en 1871, le système de la vente des terres et en revint au système de la concession gratuite et à celui de la concession conditionnelle avec clause de résidence obligatoire fixée à cinq ans. Sous la durée de ce double régime, on construisit, de 1871 à 1882, cent quatre-vingt-dix villages nouveaux et on en agrandit quarante-sept autres, le tout sur une étendue de 475 804 hectares et moyennant une dépense de 43 261 991 francs : 9 858 familles furent alors installées. Ce grand effort ayant eu pour résultat de diminuer considérablement les ressources du Domaine, encore une fois se posa la question de l’insuffisance des terres nécessaires au fonctionnement de la colonisation officielle. En 1882, le domaine se trouva ne plus posséder, à part 1 500 000 hectares de forêts et d’immeubles affectés au service public, que 848 448 hectares, consistant pour la très grande partie en non-valeurs. On estimait alors qu’il ne restait plus que 91 550 hectares, susceptibles d’être affectés directement à la colonisation et qu’une étendue à peu près égale seulement pourrait fournir à