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Hauts-Plateaux à Boghar, Téniet-et-Haad, Tiaret, Sidi-bel-Abbès, et en 1847, nous commençâmes la conquête du Sahara par l’occupation de Biskra, que suivirent, en 1849, la prise de Zaatcha et, en 1852, celle de Laghouat. La Kabylie succomba à son tour, en 1857, et tout le pays de la mer aux extrêmes contins désertiques se trouva obéir à nos lois.

En même temps qu’il procédait à la conquête progressive et générale du pays, le gouvernement modifia ses vues en matière de colonisation. Il finit par comprendre que l’installation de colons sur le sol algérien pouvait avoir du bon, que notamment rétablissement d’agglomérations françaises dans un pays où il y avait si peu d’habitans et si peu de ressources devait faciliter le ravitaillement des troupes et contribuer à la défense du pays. Une ère nouvelle se trouva ainsi ouverte à l’œuvre de la colonisation algérienne.

Deux moyens s’offraient au gouvernement pour peupler l’Algérie de colons. Il pouvait laisser tout simplement les particuliers agir à leur guise en se bornant à les seconder ou à remplir à leur égard ses devoirs les plus stricts et les plus élémentaires comme, par exemple, de leur assurer la sécurité : dans ces conditions, la colonisation algérienne aurait suivi son évolution normale et naturelle ; des villages se seraient formés aux endroits choisis par les colons eux-mêmes et l’administration aurait limité son rôle à l’exécution des grands travaux d’utilité publique, aux routes, aux desséchemens, à la régularisation des cours d’eau : c’est ce qui s’était passé de 1830 à 1841. Ce système de colonisation libre avait fait ses preuves et réalisé alors des merveilles ; il avait de plus l’avantage de coûter très peu et de décharger l’administration de toute responsabilité et de tous tracas, soit vis-à-vis des colons, soit vis-à-vis des indigènes. Mais les pouvoirs officiels qui présidaient alors aux destinées de l’Algérie se laissèrent entraîner par d’autres considérations. Ceux-ci conservaient encore une certaine défiance à l’égard des colons indépendans : avoir à côté d’eux des gens vivant par leurs propres ressources, n’ayant nul besoin de recourir à eux, puisant dans leur indépendance la liberté de parler à leur guise et pouvant critiquer les actes de l’administration, n’était pas pour leur plaire ; ils étaient séduits, au contraire, par la perspective d’avoir des colons qu’ils tiendraient dans leurs mains, qui seraient leurs hommes à eux, qui seraient installés dans des villages comme