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collaborateurs, MM. Bonnard et Salmon, chargés de terminer la publication[1]. Quant à la troisième partie et à la série purement moderne de la seconde, elles sont encore inédites, et je ne crois pas qu’elles soient en état d’être mises au jour. Il est à souhaiter qu’elles soient déposées dans quelque établissement public : elles apporteraient certainement une très utile contribution aux études sur la langue française.

L’œuvre vraiment importante de Godefroy est son Dictionnaire de l’ancien français, ou, comme il dit, de la langue d’oïl et de tous ses dialectes. Je n’ai pas à l’apprécier ici ; je dirai seulement que, malgré ses lacunes (qui sont peu de chose auprès de sa merveilleuse richesse) et ses défauts (qui sont graves et dans la méthode et dans l’exécution), elle apporte un précieux secours à la lexicographie française en général et, pour la lexicographie du moyen âge, marque vraiment une ère nouvelle. On cite le plus souvent Godefroy pour le compléter ou le corriger ; mais tous ceux qui s’occupent du moyen âge français lui doivent et lui devront une bonne partie de leur science, et il est juste d’en témoigner quelque reconnaissance à la mémoire de ce grand travailleur, qui n’avait reçu aucune préparation philologique, — et, dans sa jeunesse, il lui aurait été difficile d’en recevoir une en France, — et qui a poursuivi avec un zèle infatigable une tâche qui sans doute n’eût jamais été entreprise par un homme plus initié qu’il ne l’était aux sévères méthodes scientifiques et comprenant mieux, par conséquent, les difficultés que cette tâche présentait[2].


II

Le plan que M. Ad. Hatzfeld avait conçu, et qui a servi de base au Dictionnaire général de la langue française, était bien différent de celui de Godefroy, beaucoup moins vaste même que celui de Littré. Hatzfeld était éminemment un logicien. Son goût

  1. MM. Bonnard et Salmon doivent également publier un Supplément, qui remplira un onzième volume, et contiendra de nombreuses additions et rectifications.
  2. Il y a plus de quarante ans qu’un philologue doué de tout ce qui manquait à Godefroy, M. A. Tobler, professeur à Berlin et correspondant de notre Institut, travaille à un dictionnaire de l’ancien français qui aurait été plus restreint, — car l’auteur ne prétendait pas dépouiller les textes inédits et les documens d’archives, — mais qui aurait été exécuté avec tout le soin et la méthode désirables. M. Tobler allait imprimer son ouvrage quand parut celui de Godefroy, qui lui en fit suspendre la publication. Espérons qu’il n’y a pas renoncé.