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l’a reçu avec une courtoisie parfaite, et il a été depuis l’objet de quelques invitations officielles qu’on ne pouvait pas à la vérité manquer de lui faire. Mais le mal n’a pas été réparé. L’impression première a persisté. On a vu que le gouvernement profitait du voyage du tsar pour infliger une sorte de camouflet au conseil municipal. Malheureusement, derrière le conseil municipal, il y avait Paris, et ce que nous avons dit de la France, nous le disons de Paris. Avec ses qualités et ses défauts, c’est une grande et noble ville, qui a tenu une place considérable dans l’histoire de la France et du monde, qui la tient encore et dont le nom parle partout aux imaginations. Quand il s’agit de démonstrations officielles, Paris, comme la France, a une personnalité distincte, indépendante des hommes qui la représentent, et cela est également heureux pour la France et pour Paris. Il faut bien le dire, à certains égards, le second voyage des souverains russes n’aura pas produit le même et universel élan de satisfaction populaire que le premier.

La responsabilité en revient tout entière au gouvernement. On a senti, d’une manière vague sans doute, et qui ne permet de rien préciser, mais néanmoins certaine, que tous ses membres n’envisageaient pas sous le même aspect les conditions dans lesquelles se présente actuellement notre situation internationale. Si quelques-uns n’ont pas désiré que l’Empereur vint à Paris, ce n’est pas seulement à cause du conseil municipal, ni même pour les motifs d’ordre général auxquels nous avons fait allusion plus haut : mais ils ont une clientèle particulière, et ils doivent tenir compte de ses exigences. Ces exigences, il y a cinq ans, étaient beaucoup moins puissantes qu’aujourd’hui. Beaucoup de choses auraient été impossibles alors, qui le sont devenues depuis et ont modifié l’atmosphère morale dans laquelle nous nous mouvons.

Deux faits dont il convient de ne pas exagérer l’importance, mais dont il ne faut pas non plus méconnaître le sens, ont fourni à ce point de vue des indications significatives : nous voulons parler de l’attitude des maires de Reims et de Lille, les citoyens Arnould et Delory, socialistes l’un et l’autre et disposés à voir dans un Empereur un inévitable tyran. La froideur avec laquelle le maire de Reims a annoncé, dans son conseil municipal, ses intentions au sujet de l’Empereur Nicolas et même du Président de la République qu’il devait recevoir, a révolté la population de cette grande ville et a produit sur elle une impression pénible. C’est tout au plus, on le sentait, si M. Arnould consentait à accueillir ses hôtes illustres comme des particuliers distingués : la sévérité démocratique le voulait ainsi. Mais enfin à Reims, comme il en aurait été à Paris s’il y était venu, c’est le