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II

On vient de voir que, de degré en degré, on en était arrivé à attribuer à un agent unique, l’éther, la plupart des phénomènes du monde physique, et, nommément, ceux de l’électricité, du magnétisme et de la lumière. Tous s’expliquent, en fin de compte, par les modifications imprimées à ce fluide subtil. La plus longue étape de cette marche est celle qui a conduit les physiciens du fluide lumineux à l’éther lumineux. Un dernier pas les a amenés de celui-ci à l’éther universel, qui n’est, à son tour, que l’éther lumineux lui-même à qui l’on attribue une modalité nouvelle, l’électrique. Toute la conception repose donc sur l’interprétation des phénomènes de l’optique. On connaîtra suffisamment l’éther si l’on connaît les raisons qui ont conduit à adopter le système des ondulations.

Cette théorie célèbre n’est pas née de toutes pièces ; elle n’est pas sortie toute formée du cerveau d’aucun physicien moderne. Elle a son origine dans un concept, le transport du mouvement à distance sans transport de matière, qui était familier aux philosophes de l’antiquité et particulièrement à Lucrèce. Celui-ci dérive de la plus simple observation : et il s’oppose à l’autre manière, la plus vulgaire, de réaliser la communication du mouvement à distance, par transport de matière. En d’autres termes, on met un corps en mouvement en le frappant avec un autre corps servant de projectile (transport de matière) ; mais on peut le mettre en mouvement sans le frapper avec aucun autre, en utilisant le milieu interposé entre eux (transport de mouvement).

Imaginons un corps léger, paille, papier ou bois surnageant, immobile, sur une nappe tranquille, à distance de l’observateur ; celui-ci pourra faire que le flotteur s’élève et s’abaisse. Il lui suffira d’ébranler, en un point quelconque, la surface de l’eau. Il utilisera l’observation, tant de fois faite, de la pierre qui tombe dans un bassin d’eau dormante : celle-ci déprime la petite surface qu’elle atteint et qui bientôt après se relève en bourrelet saillant : ce bourrelet se dilate et on le voit se propager comme une onde concentrique et sans cesse élargie. C’est de l’observation vulgaire. On constate, et l’observation est déjà, moins banale, que le flotteur ne fait que se soulever et s’enfoncer sur