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sans pouvoir en constituer une. Pendant plus de deux siècles, on a discuté sur la nature véritable de la lumière, et sur l’image qu’il convient de se former de sa propagation dans l’espace. Ces méditations et ces controverses, appuyées sur les découverts expérimentales les plus merveilleuses, ont enfin abouti à une solution d’ordre mécanique unanimement adoptée ; c’est la théorie des ondulations ou des ondes lumineuses, constituée par Huyghens, Young et Fresnel, et que l’on devrait appeler la théorie ondulatoire cinétique. Et c’est précisément au moment où ces idées sont devenues classiques, à ce moment d’universel acquiescement, que surgit une solution nouvelle, cette fois d’Ordre physique, qui semble remettre en question les résultats acquis. Il s’agit de cette théorie désignée par le nom de théorie ondulatoire électro-magnétique de Maxwell. Ce n’est plus seulement un merveilleux joujou mathématique, comme les physiciens ont longtemps affecté de le croire. Les expériences de Hertz, réalisant après vingt ans les prévisions du savant anglais, jusque dans les détails les plus précis, ont imposé sa doctrine.

La révolution, toutefois, n’est pas radicale. Dans un cas comme dans l’autre c’est encore la propagation par ondes ; la forme essentielle de l’acte de transport reste la même et toutes les conséquences subsistent. Il y a pourtant quelque chose de changé ; et ce quelque chose c’est l’image du phénomène.

Dans le système classique, cette image est d’une parfaite clarté. Une fois levées les premières difficultés relatives à la conception de l’éther, rien n’est plus simple que de se représenter la particule de ce milieu subtil, avec ses rapides mouvemens de va-et-vient dans le plan perpendiculaire à la direction du rayon lumineux. Le spectacle, bien connu, des ondes que la chute d’une pierre provoque à la surface d’une eau tranquille, en fournit une représentation matérielle. Les particules de l’eau se déplacent seulement dans la direction verticale, s’élevant et s’abaissant successivement ; on le sait, et on le voit en regardant un corps flottant, une paille, un morceau de bouchon monter et descendre, sans changer de place, sans subir d’entraînement.

Cette clarté de l’explication est d’ailleurs le propre des théories mécaniques : leur caractère éminemment intuitif fait leur mérite. « Je ne suis jamais satisfait, écrit lord Kelvin, dans sa Mécanique moléculaire, tant que je n’ai pas pu faire un modèle mécanique de l’objet Si je puis faire ce modèle, je comprends ;