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Parmi les 200 000 fonctionnaires ou salaries de tout ordre relevant du gouvernement fédéral, 125 000 environ sont exposés à disparaître tous les quatre ans avec l’administration à qui ils doivent leur existence éphémère. Les employés des postes figurent à eux seuls sur cette liste funèbre pour 85 500, toute une armée. Ces chiffres étaient beaucoup plus élevés encore avant la création du service civil (1883) auquel nous avons fait allusion dans un précédent article et qui a eu précisément pour objet d’endiguer, dans la mesure du possible, ce bouleversement périodique[1].

Il va de soi que le Président n’intervient pas directement dans la distribution des emplois subalternes, dont la répartition est faite par ses ministres ou leurs collaborateurs immédiats, mais pour toutes les charges de quelque importance, il est personnellement consulté et on n’évalue pas à moins de 5 000 les nominations sur lesquelles il est appelé à se prononcer.

Cette prérogative, au dire de M. Benjamin Harrison, serait le plus lourd des fardeaux pour les hôtes de la Maison Blanche. « Il n’y a pas de devoir, déclare-t-il dans l’ouvrage déjà cité, qui soit pour le Président plus absorbant ni qui lui cause plus de soucis et parfois plus de perplexité (distress of mind). » On se figure en effet l’embarras que doit éprouver un chef d’Etat disposant d’un seul coup de cinq mille offices vacans, obligé par surcroît de ne faire que des choix qui soient acceptés par le Sénat. Sur ce dernier point la difficulté est toutefois moindre qu’on n’est porté à l’imaginer.

Le paragraphe de la Constitution d’où découle ce droit de contrôle est ainsi conçu :

Article II. § 2. — «… Le Président désignera et, sur l’avis et du consentement du Sénat, nommera les ambassadeurs et autres ministres publics, les consuls, les juges de la Cour suprême et tous autres officiers des Etats-Unis, à la nomination desquels il

  1. Du 16 janvier 1883 au 4 mars 1885, 15 573 fonctionnaires ont été incorporés par le président Arthur dans la catégorie des employés permanens (« classified service »). Leur nombre s’est augmenté de 7259 sous la première administration de M. Cleveland (1885 à 1889), de 8 690 sous celle de M. B. Harrison (1889 à 1893). Le total général en a plus que doublé après le retour aux affaires de M. Cleveland, près de 30 000 employés de plus ayant été alors, en une seule année, rattachés au « classified service ». En fait, 75 000 fonctionnaires échappent déjà aux hécatombes. Le personnel central des Départemens ministériels notamment, à l’exception de quelques grands chefs nommés en dehors de la filière des examens, n’est plus sujet aux fluctuations politiques.