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pouvoir exécutif. Les détails qui vont suivre, puisés en partie à des sources nouvelles et empruntés notamment aux confidences faites par plusieurs Présidens américains, montreront qu’il en est tout autrement dans la pratique et contribueront à dissiper l’obscurité dont une question aussi complexe reste toujours plus ou moins enveloppée pour un étranger qui n’a pu l’étudier sur place.

Pour se rendre un compte exact du rôle qui incombe au Président des États-Unis il importe de ne pas perdre de vue : 1° qu’il tient son mandat directement de la nation par une sorte de plébiscite à deux degrés ; 2° qu’il personnifie la victoire d’un parti avec toutes les conséquences qu’elle comporte. Cette origine plébiscitaire donne à la Présidence américaine une base d’autorité d’autant plus solide qu’elle se trouve fortifiée par l’accord tacite établi de longue date entre le parti dépossédé et celui qui lui succède aux affaires quant à l’usage presque discrétionnaire qui peut en être fait par le vainqueur pour la répartition des emplois. L’Exécutif doit compter, il est vrai, à cet égard avec le contrôle sénatorial, mais dans des limites beaucoup moins strictes qu’on ne le suppose, et même dans ces questions de nominations, source ordinaire, dans le nouveau monde comme dans l’ancien, des plus ardentes compétitions, son initiative, ainsi qu’on le verra tout à l’heure, s’exerce beaucoup plus librement que celle de la plupart des chefs d’État européens. Pour en donner la juste notion nous essaierons de suivre dans l’exercice de ses fonctions un des hôtes de la Maison Blanche, au lendemain de son inauguration.


I. — LA FORMATION DU CABINET

En tout pays, le premier acte officiel d’un chef d’État, qu’il tienne sa mission de l’hérédité ou de l’élection, est de procéder à la constitution d’un cabinet. Mais quand son arrivée au pouvoir n’implique aucun changement d’orientation dans la politique intérieure ou extérieure de la nation, ce n’est là d’ordinaire qu’une simple formalité. Lorsque, par exemple, un Président nommé par l’Assemblée de Versailles entre à l’Elysée, il est d’usage que les ministres lui remettent leur démission, mais si le cabinet démissionnaire est manifestement en communion d’idées avec la majorité du Parlement, il est naturellement