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le roi de Prusse. Comme elle est jolie, M. Pepusch la poursuit de ses assiduités : ce qui donne au valet de chambre, Jean, l’idée de l’épouser, pour exploiter la passion de son maître. Cette laide intrigue se noue et se poursuit à travers les bruits qui courent sur la prochaine arrivée des Autrichiens, en guerre avec le « petit roi, » c’est-à-dire le roi de Prusse, sur l’occupation probable de Berlin, sur les mesures que les autorités prennent pour assurer la défense de la ville, et les bourgeois pour en filer. Auguste n’a aucune envie d’épouser Jean ; elle s’y résignerait pourtant, pour rentrer en grâce auprès de sa famille. Mais Jean, qui a été au service d’une Excellence et sait émailler sa conversation de mots français, ne comprend pas qu’il est beau d’être mort à Hohenfriedberg ; Jean est dépourvu de patriotisme, au point de trouver qu’un laquais du roi de Pologne est au moins légal d’un ministre prussien ; Jean n’eût été qu’un très mauvais dragon, et ses propos cyniques éveillent les soupçons d’Auguste, qui ne tarde pas à percer à jour ses méprisables desseins. Elle s’enfuit, pendant que les Pepusch s’enfuient de leur côté, avec leurs chiens et leurs perroquets. Va-et-vient. Imbroglio. Mensonges de Pepusch qui, ayant appris que les Autrichiens sont battus, rebrousse chemin, et tâche de se faire une popularité en apportant, lui premier, la bonne nouvelle. Le comte Podewils, ministre du roi, continue cette nouvelle et raconte que la victoire est due à l’intervention d’un petit garçon de six ans, qui a guidé les Prussiens par des chemins inconnus. Pepusch offre de l’élever, car cet enfant-héros paraît abandonné. Tout le monde cric : « Vive Pepusch ! », jusqu’à ce qu’arrive le colonel von Zieten, qui se méfie de lui, averti par une voix intérieure. Auguste revient. Vous avez deviné que le petit héros est son fils. Tout s’explique, jusqu’aux indignités de Pepusch. Mais le passé est irréparable : le gamin sublime est un bâtard, sa mère est une fille perdue… Non, car le roi de Prusse survient en personne. Il interroge Auguste, qui lui raconte la mort héroïque de Ludolf :


— Et s’il était venu, lui demande le roi, vous eût-il épousée ? Vous l’avait-il promis ?

— Il me l’avait promis.

— Elle EST mariée ! s’écrie aussitôt Frédéric. Je la marie au brave homme qui n’a pas eu le temps de tenir sa parole. Quel est le nom de son père ?

— Hambring, Majesté, dit le père.