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de l’assentiment de tous, que Frédéric le déclare rebelle en lui répondant :


Comme sans peine je disperse l’air autour de moi,
J’anéantis ton droit, qui n’était que vent,
Ennemi de tout droit humain, idole
Que tu avais faite à ton usage,
Adorateur de toi-même. — Maintenant apprends, en tremblant,
A regarder en face le vrai droit.
Me voici, moi qui le proclame ; apprends le respect
Du supérieur, l’estime envers tes égaux,
Apprends la patience envers les petits.


Le Margrave aura raison du chevalier : les boulets d’un des premiers canons renverseront le château de Friesack ; la maison des Quitzow s’écroulera, en entraînant dans son destin les deux frères, devenus ennemis jusqu’à s’entr’égorger, — car l’un avait compris le monde nouveau devant lequel l’autre fermait les yeux.

Tel est le premier chapitre de l’histoire dramatique des Hohenzollern : le burgrave de Nuremberg nous est représenté comme un envoyé de Dieu, qui montre du doigt, au peuple élu, ses futures destinées, et confond l’avenir de sa maison dans celui du peuple dont il a la charge :

« Frédéric, Frédéric ! s’écrie Conrad de Quitzow après avoir écouté un officier de son frère, si ce peuple t’est fidèle dans l’amour comme il est fidèle contre toi, — il mettra le monde à tes pieds ! »

Le 24 février 1895, à l’un de ces banquets de la Diète provinciale du Brandebourg où il a prononcé ses meilleurs discours, Guillaume II disait, en rappelant le monument érigé à Friesack en l’honneur de ce même Frédéric :

« Puisse le regard jeté sur cet homme sérieux, simple, bardé de fer, nous rappeler que l’effort unanime du prince et du peuple garantit seul le succès[1]. »


Cependant, l’étoile des Hohenzollern pâlit quelquefois. La dynastie a des jours sombres, tantôt parce que les événemens remportent sur sa ténacité patiente, tantôt aussi parce qu’elle paraît fléchir. Ces derniers cas, — si l’on en juge par

  1. Die Reden Kaiser Wihelms II. in den Jahren 1887—1895, éd. J. Penzler (Leipzig, Reclam jun.), p. 226.