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M. Richard bille de notre histoire tout ce qu’ont fait les humbles, de Clovis à Gambetta, pour la grandeur de la France ; et le pauvre qui voudrait être bon soldat est désormais convaincu de nôtre qu’une dupe. Un agrégé d’histoire s’est rencontré, pour prêcher cette doctrine dans le Pioupiou de l’Yonne ; nous n’insisterons point et laisserons l’histoire elle-même déposer contre lui.

D’autres voix nous sollicitent, celles de M. Gabriel Deville, de M. Jean Jaurès, de M. Jules Guesde lui-même : elles font grâce à la patrie. Elles en parlent très noblement parfois : elles veulent même être éloquentes, et n’y échouent point. Et ces autres discours se résument en ceci : La patrie, c’est nous socialistes, ou si ce n’est nous aujourd’hui, ce sera nous demain ; la France sera le premier laboratoire efficace de nos doctrines ; et veiller sur ce laboratoire, c’est veiller sur ces doctrines. « Nous voulons une France grande et forte, protestaient en juillet 1893, dans le manifeste du conseil national du parti ouvrier, MM. Dereure, Ferroul et Lafargue ; nous la voulons capable de défendre sa République contre les monarchies coalisées, et capable de protéger son prochain Quatre-vingt-neuf ouvrier contre une coalition au moins éventuelle de l’Europe capitaliste. » Le comité Roubaisien qui soutenait en 1897 la candidature de M. Guesde expliquait que les soldats avaient été la préoccupation constante du député sortant, parce que, convaincu du grand rôle réservé à notre pays dans la prochaine révolution, il voulait une France toute-puissante, invincible. « En cas d’attaque, écrivait subtilement M. Deville en 1896, c’est pour eux que les travailleurs, internationalistes en tant que travailleurs, ont à se battre en tant que Français. La grève militaire serait un nationalisme à rebours. » Et M. Jean Jaurès, enfin, écrivait en 1897 : « Le peuple qui, le premier, entrera dans le socialisme verra d’emblée se ruer contre lui tous les pouvoirs réactionnaires affolés ; il serait perdu s’il n’était pas prêt lui-même à saisir le fer, à répondre aux obus par les obus, pour donner le temps à la classe ouvrière des autres pays de s’organiser et de se soulever à son tour. » Bref, tout de même que sous la Convention les plus incorrigibles humanitaires jugeaient nécessaire qu’il y eût une France, pour préserver contre l’assaut des rois l’intégrité des droits de l’homme, de même il est nécessaire, provisoirement au moins, qu’il y ait une France, « système clos, tourbillon fermé, dans la vaste humanité incohérente et diffuse, » pour