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responsable. Quoi qu’il advienne, on peut constater que la maçonnerie française, mettant ses sourires à très bas prix, reprend ses attitudes de 1869 ; oubliant qu’à cette date, elle joua le rôle pénible d’une coquette bernée, elle ignore volontairement le caractère national que garde, bon gré mal gré, la maçonnerie des autres pays ; elle tend ses bras, elle livre son cœur. M. Lemmi, entre maçons italiens, faisait vibrer des déclarations « irrédentistes, » et vis-à-vis des maçons exotiques, il lançait en l’air des phrases humanitaires ; la maçonnerie française, elle, s’enlize dans l’humanitarisme ; et le grand « irrédentiste » que fut Gambetta s’y sentirait, aujourd’hui, irrémédiablement excommunié.


VIII

En passant de la maçonnerie au socialisme, nous ne faisons que prendre la route volontiers suivie, depuis quelques aimées, par les notabilités du parti collectiviste, qui portent au club les haines de la loge et à la loge les rêves du club. Socialisme : le mot est vague, il harmonise beaucoup de nuances, et dissimule d’innombrables divergences. Nous ne prétendons pas ici les analyser ; il nous suffira de rechercher, dans les publications socialistes les plus variées, de quel poids pèse la théorie de la lutte des classes dans le conflit entre le patriotisme et l’humanitarisme.

L’Internationale justifiait son nom : elle supprimait, en théorie, les frontières et les patries. Bakounine entreprit, en 1809, au moment où déjà il n’était plus qu’un schismatique, de motiver cette suppression ; il commença d’écrire aux « compagnons du Locle » ‘ une série de lettres dans lesquelles il voulait établir que « le patriotisme n’est que l’intérêt solidaire d’une classe privilégiée. » Les ouragans de l’Europe et de sa propre existence renversèrent son écritoire et firent s’envoler ses feuillets : les Lettres sur le patriotisme demeurèrent inachevées ; et l’on vit des prolétaires entrer de fort bonne foi dans la Commune de Paris pour venger la patrie réputée trahie.

L’Armée esclave et opprimée : ainsi s’intitulait, vers 1880, une petite brochure de propagande, signée du nom respecté d’Auguste Blanqui. La question du militarisme y était mise à l’ordre du jour, avec une rare virulence. Plus d’armées permanentes : car les peuplades noires ignorent ce fléau, et la Grèce et Rome l’ignorèrent. Plus d’éducation militaire prolongée : car « il est