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plaisante de justifier la maison de France du grief d’être allemande. Le patriotisme, compris et exploité de la sorte, s’insurgeait en dénonciateur contre les opinions politiques et les convictions religieuses d’un certain nombre de Français. « Quand nous préparons des soldats, s’écriait Macé, quels sont les ennemis que nous pouvons avoir ? Ceux qui comptent, comme en 1814, sur l’étranger pour nous ramener un roi. » L’éducation civique et militaire, ainsi commentée, semblait faite pour armer une France contre l’autre, et scindait la patrie, sous prétexte de la vouloir défendre. Des parallèles étaient ébauchés entre Macé et les évêques ; on le déclarait « cent fois plus religieux que ces mystagogues mitres et crosses, — pas assez crosses, — qu’on voit avec stupeur figurer en public avec un marteau d’argent et un bonnet assyrien. » La religion de la patrie devenait une religion de secte ; Anatole de la Forge profitait d’un incident pour délaisser la Ligue des Patriotes, où la pureté de son orthodoxie radicale se sentait mal à l’aise ; les Chants du soldat étaient menacés de disgrâce parce que M. Paul Déroulède ne projetait contre les gloires napoléoniennes ni épigrammes ni invectives ; et les observateurs commençaient à craindre que, dans ces temples nouveaux sur lesquels planait la grande mémoire de Gambetta, le culte de la patrie n’eût ses pharisiens en même temps qu’il avait ses dévots. Il fallut plusieurs années pour faire le discernement.


II

On se souvient de cette Ligue de l’Enseignement, fondée par Macé sous le Second Empire, et qui avait, entre 1805 et 4870, discrètement propagé l’esprit républicain. Elle avait fait escorte, après la guerre, à l’évolution patriotique des gauches : ne fallait-il pas, comme l’écrivait Emmanuel Vauchez, secrétaire général de cette organisation, « poser la Ligue comme institution nationale sérieuse ?… » La Ligue, à la faveur d’une telle tactique, avait laissé passer, sans trop d’encombre, le gouvernement du maréchal, en se faisant, bien modestement, pourvoyeuse de bons livres pour les bibliothèques régimentaires ; puis après le Seize-Mai elle avait négligé peu à peu sa clientèle de soldats, mais en gardant sa posture de groupement patriotique. Au lendemain de la loi scolaire de 1882, que la Ligue considéra comme