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caressantes pour l’armée, avaient induit la France à agréer les républicains comme serviteurs, — des serviteurs qui devinrent bientôt des maîtres. Leur formation intellectuelle et leurs habitudes de pensée, leurs erreurs de club et leurs péchés de jeunesse, leurs instincts et leurs haines, tout en eux conspirait contre le rôle qu’ils acceptaient de jouer et contre le programme de dernière heure auquel ils avaient dû la victoire. D’une main vigoureuse et tenace, Gambetta et Ferry matèrent cette conspiration, d’abord en eux-mêmes, puis chez leurs amis ; ils liront résipiscence et imposèrent résispicence ; et le succès de cet esprit nouveau, attesté d’abord par l’attitude patriotique que prirent à leurs débuts les nouvelles écoles primaires, fut ratifié, quelque temps durant, par l’œuvre militaire et diplomatique de la République.

Mais sur ces terrains mêmes, le vieil esprit républicain, souvent éconduit, rarement découragé, tenta des attaques ou de secrètes manœuvres, auxquelles la fortune finit par sourire ; il exploita certaines circonstances, en créa certaines autres ; aidé par le sort et s’aidant lui-même, il reprit le dessus, ramena ses exigences d’autan, opposa les droits de l’homme à l’idée de pairie, et les jalouses chicanes de la défense républicaine aux intérêts de l’armée. Telle est l’histoire, passablement complexe et délicate, qu’il nous reste à esquisser. Il se peut faire qu’à certaines pages on croie nous avoir déjà lu… C’est qu’en effet, au terme de cet essai, nous retrouverons, avec quelque fanatisme en plus, beaucoup de générosité en moins et une arrogance toute nouvelle, l’âme républicaine de 1869, telle que naguère, ici même, nous faisions effort pour l’étudier. En serait-il donc des partis comme des hommes, chez qui les tares originelles déterminent certaines prédestinations, fatales pour eux-mêmes, et fatales, hélas ! pour d’autres que pour eux ?


I

« Il est indispensable de concerter tous les efforts de tous les bons Français pour le grand but que l’on se propose : réchauffer le patriotisme et aider les jeunes patriotes qui veulent se rendre utiles à la France. » Ainsi parlait Henri Martin, le 18 mai 1882, en prenant la présidence de la Ligue des Patriotes récemment fondée. Cette ligue était d’origine républicaine : on y voyait, à côté de l’historien de la France, Félix Faure, Anatole de la