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ses votes ; » mais, ajouta-t-il, Rome a parlé, vous savez ce qui en résulte. Nous n’avons plus qu’à nous soumettre ! » Puis, se tournant en particulier vers Dœllinger : « Nous allons donc recommencer à travailler pour la Sainte Église ! »

— « Oui, pour l’ancienne Église ! » répondit Dœllinger.

Et l’évêque : « Il n’y a point une église ancienne et une église nouvelle : il n’y a qu’une seule église ! »

— « Non, s’écria Dœllinger, on vient de nous en faire une seconde ! »

Il avait dit, autrefois, que, si le Concile proclamait l’infaillibilité, force lui serait de se soumettre. Et je ne crois pas même qu’il ait eu contre ce dogme-là une animosité particulière. Un témoin digne de foi, un chanoine comme lui, le comte Spee, a raconté que, en 1843, se trouvant à Munich, il avait passé une soirée dans un salon en compagnie de Dœllinger. L’entretien était tombé sur l’infaillibilité du pape, et l’on avait demandé à Dœllinger ce qu’il en pensait.

« Messieurs, avait-il répondu, voici exactement ce qui en est. L’infaillibilité du pape n’est pas, en vérité, un dogme proclamé par l’Église. Mais quiconque voudrait la mer trouverait contre lui la conscience de toute l’Église, présente et passée ! »

Depuis lors, je le sais, il avait découvert un argument historique qui avait contribué à changer son opinion : il s’était aperçu, — avait cru s’apercevoir, — que la croyance à l’infaillibilité ne datait guère que de saint Thomas d’Aquin, et que celui-ci l’avait lui-même déduite de documens apocryphes. Mais, au total, ce n’était pas spécialement à l’infaillibilité qu’en voulait le vieux théologien. Depuis dix ans, il critiquait tout ce qu’on décidait à Rome, que ce fût une canonisation, la promulgation d’un dogme, ou simplement une mesure politique. Sans qu’il s’en rendit compte, peut-être, Rome l’agaçait. Il voyait dans le Pape non pas un ennemi personnel, mais, chose infiniment plus grave, un ennemi de la théologie allemande, dont il se considérait comme le représentant le plus autorisé. Et si même le dogme de l’infaillibilité avait été rejeté ou ajourné par le Concile du Vatican, il aurait trouvé quelque nouveau terrain de combat, et aurait fini par y subir la même défaite. Comme l’avait prophétisé Mlle Gœrres, « il était destiné à mourir hérétique. »

Aussi donna-t-il clairement à entendre qu’il ne se soumettrait pas à la décision du Concile. En vain son évêque, en vain d’autres évêques et prêtres qui l’aimaient multiplièrent-ils auprès de lui les plus