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Dœllinger connaissait mieux que les autres, étant depuis longtemps l’ami et le confident de la plupart d’entre eux — fournissaient une ample matière à l’humeur sarcastique de « Quirinus ». Le scandale, à Rome, fut énorme, énorme la joie de tous les « non-papistes. » Comme le dit encore M. Friedrich, « ce que les membres du congrès eux-mêmes ignoraient l’un au sujet de l’autre, ces Lettres le leur révélaient, et avec une verve si mordante que c’était comme si toutes les coulisses du Concile se fussent tout à coup ouvertes au grand jour. »

Ai-je besoin d’ajouter que, de nouveau, personne ne soupçonna Dœllinger d’être l’auteur d’un pamphlet aussi violemment « anti-clérical » ? On soupçonna plusieurs prêtres allemands qui habitaient Rome, et dont deux ou trois furent invités à s’en retourner dans leur patrie. Quant à l’auteur véritable, « l’amertume de la situation » lui dictait sans cesse des paroles plus « dures. » Dans un article du 19 janvier, Quelques mots sur l’infaillibilité, il résumait, une fois de plus, ses griefs historiques contre le dogme nouveau. Dans un article du à mars, il s’en prenait à la procédure des séances du Concile, l’accusant de manquer aux traditions, et d’être par conséquent, illégale. Ces deux articles étaient signés : les amis du chanoine s’inquiétèrent des suites fâcheuses qu’ils pouvaient avoir pour lui. « Suivant ce que j’apprends, — lui écrivait de Rome, le 2 avril, son élève Hefel, — l’archevêque de Munich est très instamment prié de prendre une mesure contre vous… Aussi plusieurs de vos amis se réunissent-ils à moi pour vous conjurer de ne plus rien publier sur cette question, de façon à ne pas jeter de nouvelle huile sur le feu. De toutes parts, j’entends crier que la chose a trop duré, et qu’il est temps de vous imposer silence. On se répète un mot de Mlle Gœrres, qui aurait prophétisé, il y a vingt ans, que vous mourriez hérétique… Enfin nous vous supplions de vous retirer, pour le moment, du champ de bataille. Mais l’archevêque de Munich ne pouvait se résignera sévir ; et pas davantage ne pouvait s’y résigner l’excellent Pie IX, qui, aux dénonciateurs de Dœllinger, se bornait à répondre en haussant les épaules : « Bah ! laissez-le tranquille ! Je les connais, ces Allemands ! Ils croient toujours en savoir plus long que tout le monde. Chacun d’eux se prétend plus matin que le Pape ! »


Le 19 juillet, l’archevêque de Munich revint de Rome, où il avait été l’un des plus zélés adversaires de l’infaillibilité. Le surlendemain, Dœllinger se présenta à l’évêché, pour le saluer, en compagnie de ses collègues de la faculté de théologie. L’évêque leur rendit compte de