Page:Revue des Deux Mondes - 1901 - tome 5.djvu/468

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Ou plutôt, au lieu de publier son discours, il commença un nouveau travail, destiné, disait-il, « à renseigner les catholiques sur les actions de l’Église et sur son avenir ». Il y reprenait la même thèse, sous une forme plus voilée, affirmant l’utilité du pouvoir temporel, mais ajoutant que sa « suspension » n’aurait pas les mauvais effets que l’on redoutait. Il s’attendait à ce que son livre fût mis à l’index : et sa surprise fut grande lorsque, par l’intermédiaire de Newman, Pie IX lui fit dire « que, sans être d’accord avec lui sur tous les points, il tenait son livre pour excellent, et ne pouvant qu’être utile à lire ».

Dœllinger n’était pas homme à en rester là. En 1863, deux ans après son discours de l’Odéon, il fit paraître ses Fables de Papes au Moyen-Age, où il démontrait la fausseté d’une foule de traditions, généralement admises, sur les premiers papes, les raillait sans pitié, et laissait deviner à chaque page « l’esprit protestant » dont il était animé : un esprit d’ailleurs plus proche de celui d’Érasme, de Hütten, et des satiriques de la Renaissance, que des graves théologiens de l’école de Tubingue. Sous couleur d’histoire, son livre n’était qu’un pamphlet : tel il apparut à ses contemporains, tel il lui apparaissait à lui-même, si l’on en juge par la façon dont il en parlait dans ses lettres. Et le pamphlet amusa beaucoup les ennemis du catholicisme : les catholiques ne semblent pas s’en être sérieusement émus.

C’est la même année, en 1863, que Dœllinger, sans en demander l’autorisation au pape, organisa à Munich un grand congrès des théologiens allemands. Il y lut ce discours sur le Passé et l’Avenir de la Théologie, où il affirmait que, devant les théologiens, « les chefs de l’Église devaient s’incliner. » De nouveau ses amis s’alarmèrent, lui prodiguèrent les avertissemens et les remontrances. De nouveau il s’attendit aux foudres de Rome. Et de nouveau le pape lui fit dire, cette fois par Mgr Mermillod, « qu’il le tenait en très haute estime, qu’il serait heureux de lui proposer lui-même un sujet d’études, et que, si seulement il voulait prendre la peine de venir à Rome, tous les petits malentendus se dissiperaient aussitôt. »

Mais Dœllinger n’avait guère le loisir de retourner à Rome. A propos de la canonisation d’un inquisiteur, Pedro Arbues, il avait entrepris, pour un journal libéral, la Gazette d’Augsbourg, une série d’articles anonymes sur l’Inquisition. Il y présentait notamment le nouveau saint comme un monstre de cruauté, et reprochait sévèrement aux papes d’avoir encouragé les crimes des inquisiteurs. Les articles étaient d’une couleur si vive que la Gazette d’Augsbourg elle-même n’osa point en poursuivre la publication : Dœllinger dut en faire