Page:Revue des Deux Mondes - 1901 - tome 5.djvu/392

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

et elle en donna des preuves. L’enquête ouverte devant le Parlement fit voir qu’elle avait vendu les grades de l’armée anglaise ; qu’ensuite, agrandissant le cercle de ses affaires comme les commerçans qui réussissent, elle avait vendu de tout, même de hautes fonctions ecclésiastiques, même le droit de prêcher à la cour. Chaque jour, le fleuve de boue allait s’élargissant, menaçait de submerger tout ce qui, en Angleterre, avait un nom ou une autorité. Et chaque jour aussi, pendant ces mois de mars, d’avril et de mai 1809, la caricature était sur la brèche, jouant le rôle que le journalisme n’était pas encore en état de jouer. C’est Rowlandson, cette fois, qui tient la tête. De cette époque date la curieuse série intitulée A delicate investigation. Nous y voyons l’aventurière dans sa gloire, entourée à son lever par les officiers de l’armée et les dignitaires de l’Eglise qui mendient ses grâces et déposent à ses pieds des sacs d’or. Le duc, sa victime et son complice, apparaît auprès d’elle, tantôt affublé de son uniforme militaire, tantôt fagoté en évoque, quelquefois dans un costume amphibie qui rappelle notre vieille chanson populaire sur l’abbé de Clermont qui conduisit nos troupes à la défaite pendant la guerre de Sept Ans :


Moitié plumet, moitié rabat
Aussi propre à l’un comme à l’autre…


Mrs Clarke, costumée en Dalila, coupe prestement la cadenette du héros endormi et fait signe, de loin, aux ennemis de l’Angleterre qu’ils peuvent s’approcher sans risque. Beaucoup de ces dessins sont plaisans et quelques-uns sont très amers ; mais aucun ne peut rendre l’ineffaçable ignominie de ces scènes de la commission d’enquête où une créature du ruisseau déjoua et bafoua ceux qui essayaient de l’intimider et qui, en l’interrogeant, ne songeaient qu’à la faire taire. Dans ce duel entre le Parlement et Mrs Clarke, c’est le Parlement qui eut le dessous. Quand la honte du duc d’York fut parfaitement établie, une majorité de quatre-vingt-deux voix prononça solennellement son innocence. Dans une dernière caricature, Rowlandson montra tous les acteurs de la farce venant, près de la rampe, saluer le public. Mrs Clarke, en uniforme de général, prononçait le couplet final terminé par ces mots : « Messieurs, puisque vous avez pardonné à l’évêque, vous devez être indulgens aussi pour son clerc (clerk) ». Ce détestable à peu près sur le nom de l’héroïne était