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gouvernement commença par refuser toute concession de terres domaniales aux nouveaux venus et alla jusqu’à déclarer qu’il se désintéressait des transactions contractées entre Français et indigènes, et ne les garantirait pas au point de vue légal. Force fut aux colons, pour l’achat de terres, de s’entendre avec les indigènes à leurs risques et périls et de payer à beaux deniers comptant des propriétés dont les titres pouvaient être contestés. Ces mesures n’ayant pas arrêté l’affluence des colons, une décision ministérielle fut prise à la fin de 1832 afin d’empêcher une immigration que l’on trouvait trop nombreuse et trop hâtive, et ordre fut donné de refuser le passeport à tout individu qui ne pourrait justifier de ressources suffisantes pour vivre en Afrique. Quand en 1835, à la suite du rapport de la commission de pairs et de députés envoyés en Algérie pour étudier la question sur place, le système de l’occupation restreinte enfin prévalut, les colons ne furent guère mieux traités. Les représentans du gouvernement en Algérie continuèrent à mer la possibilité de coloniser ce pays. Les exploitations rurales, les hameaux, les villages avaient beau surgir sur tout le massif de l’Atlas et déborder dans la Mitidja, les représentans du gouvernement, semblables à ces idoles que raillait Israël, avaient des yeux pour ne point voir et un entendement pour ne pas comprendre. La colonisation est un rêve, continuait à dire en 1835 M. Bresson qui avait succédé au baron Pichon dans la direction des affaires civiles algériennes, et, comme ce dernier, il se montrait animé des dispositions les moins favorables aux colons et ne laissait échapper aucune occasion de le montrer. L’Etat avait de beaux domaines aux environs d’Alger ; les colons demandaient à en faire l’achat et M. Bresson prétendait qu’il n’y avait de terres disponibles que sous le feu de l’ennemi. Les colons qui avaient fait de grandes dépenses d’installation demandaient qu’il leur fût permis d’emprunter, et l’on s’opposait à l’établissement du régime hypothécaire sous prétexte que la propriété était mal assise ; mais à qui la faute, si ce n’est au gouvernement qui laissait construire sans titres réguliers, et qui ne voulait pas même donner une sanction légale aux transactions accomplies entre Européens et indigènes ? Les mesures les plus sages réclamées par les colons étaient toujours repoussées. On cherchait à leur faire abandonner la place et à rendre impossible toute entreprise sérieuse de colonisation.

Ce but que poursuivait d’une manière détournée