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d’Alger, et, plus avant dans les terres, à Tixeraïn, à Dély-Ibrahim, à Kouba et à Birkadem, tous points déjà habités par les colons. Quelquefois aussi l’établissement d’un camp permanent en rase plaine et loin de tout groupement de population suffisait à amener la formation d’une agglomération rurale. Pour élever les constructions nécessaires à l’abri du soldat, on faisait venir des ouvriers et à leur suite trafiquons et commerçans accouraient leur vendre les articles que ne pouvait fournir l’administration. Plusieurs parmi les nouveaux venus, pris d’attachement pour un pays au ciel si beau et au sol fertile, se mettaient à bâtir soit des gourbis soit des maisons, défrichaient le sol tout autour et se transformaient insensiblement d’ouvriers et de commerçans en cultivateurs. Ainsi, soit par l’exploitation de grands domaines ruraux, soit par l’installation de camps permanens, des villages embryonnaires se formaient, et dans l’un et l’autre cas, les trois élémens nécessaires au fonctionnement de la vie rurale, ouvriers, commerçans et agriculteurs, se trouvaient réunis. La bonté du climat et la fertilité du terroir avaient suffi à amener cet excellent résultat de fixer au sol et de rendre sédentaire une population jusque-là instable et de transformer des prolétaires en gens possédant des biens au soleil. En ce moment même où la question du peuplement de l’Algérie par l’élément français se pose, il est bon de faire ressortir que de 1830 à 1841 des fermes, des hameaux, des villages ont surgi pour ainsi dire du sol, se sont formés, se sont développés, et qu’il a suffi, pour mener à bien une telle œuvre, des seuls efforts de l’initiative privée, bien que cette dernière fût isolée et livrée à elle-même. Il est bon qu’on n’oublie pas qu’une grande partie des villages et bourgs du Sahel et de la Mitidja aujourd’hui si florissans n’ont pas eu d’autre origine que l’exploitation des grandes fermes acquises au début de la conquête par les colons et que leurs premiers habitans n’ont été autres que les cultivateurs appelés à vivre sur ces grands domaines et les ouvriers venus se fixer à proximité des camps.

Et ce qu’il y a de plus merveilleux, c’est que ces agglomérations se formèrent sans aucun appui officiel, sans aucun subside de la métropole, en dehors même de l’ingérence des premiers élémens qui sont nécessaires au fonctionnement de la vie sociale. Il n’y avait dans ces villages en formation ni maires, ni prêtres, ni instituteurs, ni notaires ; on n’y voyait ni église, ni maison commune, ni école. Pour les actes de la vie civile, les colons étaient