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à améliorer les champs réservés depuis longtemps à la culture, ils défrichaient encore de grandes étendues malgré les frais énormes qu’entraînait l’emploi des ouvriers européens. Ils faisaient venir de France ou de l’étranger les instrumens aratoires les plus perfectionnés et les meilleures espèces de races bovines et, grâce à eux, l’on vit après une interruption de quatorze siècles les gros bœufs des campagnes de Rome tracer à nouveau de profonds sillons sur le sol africain. Les colons demandaient à la terre de produire non seulement les rendemens habituels, céréales et fourrages, qu’en retiraient les Arabes depuis des siècles, mais encore les diverses sortes de cultures industrielles modernes. Bien que le gouvernement ne donnât ni primes ni conseils, qu’il n’existât aucune école d’agriculture, ils allaient de l’avant, faisant des essais divers et se communiquant les résultats. Plusieurs se mirent à planter de la canne à sucre. A la fin de 1835, un d’eux, M. Villaret, obtenait un fort beau sucre brut. Le même, l’année précédente, avait obtenu des pierres d’indigo. A Kouba, on organisait de petites métairies et des laiteries modèles. A Kaddous, on plantait du tabac. A la Réghaïa on faisait des essais de coton qui donnait de beaux bénéfices au prix commercial le plus réduit. Les récoltes de céréales et surtout de fourrages grandement rémunératrices indemnisaient largement le propriétaire de ses frais et lui permettaient de faire face à tous ces essais souvent fort coûteux. L’Algérie, comme on sait, est un pays de pâturages : l’herbe y pousse partout vigoureusement, non seulement dans les vallées et les plaines, mais aussi sur les pentes de tous les mamelons. Après une récolte de céréales, l’herbe, plus touffue, que jamais, s’élève sur les débris du chaume. Cette herbe, d’espèces variées, est savoureuse, nourrissante et saine. Quand, pénétrant dans la plaine, les premiers colons virent, de tous côtés, le poitrail de leurs chevaux s’enfoncer dans d’aussi magnifiques herbages, ils poussèrent des cris d’admiration et comprirent que là se trouvait le principal élément de leur future fortune. Ils ne se trompaient pas. Demandant moins de main-d’œuvre qu’aucune autre culture dans un pays où cette main-d’œuvre faisait défaut ; n’exigeant aucun déboursé jusqu’à la fenaison alors que les autres récoltes pouvaient être pillées ou brûlées, donnant des bénéfices presque immédiats tandis que les revenus provenant de plantations sont si longs à attendre ; enfin, étant d’un écoulement toujours facile grâce aux besoins d’une nombreuse armée, les fourrages furent