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« — Oui, mais allez-y ; car sans cela bientôt il vous fera des infidélités !

« Voilà vous. « Après cela, il m’a parlé du vote d’avant-hier. Il me dit :

« — J’ai fait une faute, je devais parler. J’ai eu grand tort de ne pas le faire. Je n’avais pas idée que la chambre voterait comme elle a fait. J’étais ennuyé de parler. Et puis j’aurais dit des paroles peut-être trop excitantes. Enfin, j’ai mal décidé, et une fois le vote, je me suis mis dans une grande colère. J’ai dit des choses très dures au Président. Je lui ai dit : — Monsieur, vous ne connaissez pas votre devoir, vous ne savez pas présider Ce que vous venez de faire est absurde, je répète absurde. Je lui ai dit tout cela, là à sa chaise. J’ai dit des paroles dures à Dupin, j’en ai dit au secrétaire de la justice, à tout le monde. J’étais en grande colère.

« Il a causé de tout, et m’a beaucoup divertie. Il dit des choses très piquantes. A propos de la responsabilité ministérielle, il dit :

« — C’est l’hypocrisie du despotisme.

« Au fait, hier, il était en train ; il n’a fait que causer avec moi, nous avions commencé par Sauzet, nous avons fini à César. Il dispute tout au duc de Wellington et plus que jamais il glorifie Napoléon. C’était hier un dîner de trente personnes. »

Puis, en post-scriptum :

« J’ai envie de vous redire les petits mots entrecoupés entre M. Thiers et moi.

« — Vous êtes très fine, pas plus que moi, mais je crois presque autant.

« Moi. — Vous avez beaucoup d’esprit, mais je pense quelquefois que vous en avez trop. »

« — Cela voudrait dire pas assez ? Non, mais, vous abusez. »

« THIERS. — Il n’y a de véritable ami qu’une femme. Dans les amitiés d’hommes, il y a toujours un peu de jalousie. »

« Lui ENCORE. — J’ai peu à faire avec les étrangers. Nous n’avons rien à nous dire, je suis poli, je pense qu’ils n’ont pas à se plaindre, mais voilà tout. »

Il est historiquement intéressant de citer la réponse que de Londres fait Guizot à cette dernière lettre :

« Votre conversation avec Thiers est charmante. Je suis quelquefois tenté de croire qu’il est embarrassé et se déchargerait