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à des racines dont elle détermine plus ou moins vaguement le sens ; mais, au moins dans la plupart des cas, le rapport entre la forme et le sens lui échappe.

Revenons au français. Pour les mots qui appartiennent au fonds héréditaire du latin parlé, ce n’est pas leur étymologie qui est à faire, c’est leur histoire. Il n’y a d’étymologie, — non au sens grec, mais au sens moderne, — que pour les mots empruntés à d’autres langues. Voilà la vraie distinction entre les deux genres de recherches que l’on confond sous le nom d’étymologiques. Littré ne s’en est pas suffisamment rendu compte. Il a souvent omis de remarquer que des mots français qui ont une origine latine n’appartiennent pas cependant au fonds héréditaire, qu’ils ont été repris, à des époques variées, au latin littéraire. Il ne distingue pas, par exemple, entre un mot comme image (anciennement imagene), qui est le latin imaginem emprunté au latin vers le IXe siècle, et le mot plantain, qui est le latin plantaginem transmis de bouche en bouche depuis un temps immémorial. Mais, s’il n’apporte pas assez de rigueur dans cette distinction, il est loin de la méconnaître : il ne l’a imparfaitement marquée que parce que le critérium phonétique dont il disposait n’était pas assez perfectionné.

Ce critérium était cependant en état de rendre de grands services, et Littré l’a, en plus d’un cas, habilement manié. Il ne l’avait pas créé : il le tenait de Diez, et on regrette qu’il ne nomme nulle part, dans sa préface, le maître auquel le dictionnaire doit tant, et qui est cité dans un si grand nombre d’articles. Littré, après Diez, montre que l’étymologie n’est plus, comme autrefois, livrée au caprice ou à la divination. Il établit — d’une façon qui n’est pas exempte d’incertitude et de répétitions — les conditions auxquelles doit satisfaire une bonne étymologie : le sens, la forme, les règles de permutation propres à chaque langue, l’historique, la filière et l’accent latin. Il est clair que les règles de permutation, la « filière », l’accent d’accent latin n’est pas le seul à considérer), ne sont que des subdivisions de la forme. L’essentiel, dans l’étymologie méthodique, c’est la connaissance de l’histoire phonétique du parler qu’on étudie. cette connaissance, ébauchée vaguement, avant Diez, pour différentes langues romanes, par quelques grammairiens, avait été élevée, dans sa Grammaire, au rang de science, et il en avait fait l’application, dans son Dictionnaire étymologique, à un choix très riche de